dimanche 23 mars 2014

Peter Peter - Une Version Améliorée de la Tristesse (2014)



La première impression n'est pas des plus réjouissantes : une cover d'album où pose un jeune homme (Peter Peter en l’occurrence) tout droit sorti d'un clip de promo pour  Abercrombie, un patronyme doublé (on pensait la liste exhaustive et définitivement scellée depuis 2012) et des noms de titres alambiqués dignes de jeunes écrivains français en fleur (Tout Prend Son Sens Dans Le Miroir, Le Monde N'y Peut Rien, Une Version Améliorée de la Tristesse...). A l'écoute du deuxième effort du jeune Québécois, un peu de clémence s'impose. A la folk dépouillée et confidentielle de son Peter Peter (2011), produit par Howard Bilerman (qui a travaillé avec Arcade Fire, A Silver Mt. Zion et Vic Chesnutt), l'artiste explore une pop disco un cran plus novatrice et recherchée. Le titre-album ou Les Chemins Etoilés dévoilent une flopée de boucles ornées par des synthés surannés. La voix légèrement androgyne aime à répéter les mêmes motifs, à susurrer des mots cajoleurs et joliment naïfs, en français. On sent ici et là des bribes d'influences, des hommages discrets glissés à Daho ou Jacno (Barbès-Rochechouart) bien plus qu'à la constellation indie made in Montreal. Si le tout s'avère plutôt plaisant à l'écoute et la présence du saxophoniste Adam Kinner sur quelques titres se révèle du plus bel effet, la production trop proprette ainsi que le manque d'originalité et d'audace de ces dix titres laissent une ultime impression de déjà-entendu. Charmant mais pas franchement imposant.

6/10

(Arista/Sony Music)



Lo-Fang - Blue Film (2014)



Dans la famille des crooners-groovers-dubstepers, plus que féconde depuis quelques années, je demande le nouveau-né. Mais pas le dernier venu. Cousin éloigné de James Blake, Sampha voire même Gotye (avant que celui-ci n'ait pris l'habitude de connaître quelqu'un), Matthew Hemerlein n'a pas volé sa place dans cette cohorte que l'on pensait surpeuplée à n'en plus pouvoir. Avant de rejoindre ses pairs, ce jeune Californien a fait un détour par le Cambodge, Bali, les Etats-Unis, Londres et même Tokyo pour mettre en boîte son tout premier opus, Blue Film. Sans révolutionner le genre, Lo-Fang surprend et enthousiasme à plus d'un titre. Il y a cette voix d'abord, brumeuse et sensuelle, qui semble surgir d'une table de violoncelle ou d'une étoile polaire, utilisée subrepticement comme un instrument à part entière. Jamie Woon et son groove vocal inné ne se cache pas loin de là (évidente gémellité sur Light Year). Cette magnificence vocale (quel falsetto!) se pose au service d'arrangements minutieux, tantôt psyché, tantôt plus électroniques. Sur Look Away, la rencontre d'une boucle de synthés et d'une mélodie accrocheuse prend un tournant bien senti lorsque surgissent une ligne de guitare étincelante et un violon gracile. Cette présence de cordes est l'une des grandes habiletés de ce Blue Film : insuffler une dose de classicisme à des titres aux teintes modernes et synthétiques. La clé de voûte de l'album #88 et surtout la superbe reprise de You're The One That I Want, thème de Grease entendu ad nauseam,l'illustrent avec brio. Et beaucoup, beaucoup de classe. 

7.5/10

(4AD/Wagram)