Si Centralia s'affiche de prime abord comme un album d'ambiance qui saura satisfaire les convenances les plus douces, il demeure périlleux d'en retirer quoi que ce soit de purement matériel, d'y poser des réflexions solides et établies. A base de longues nappes indomptables et de soyeux instruments choyés avec délectation, le duo Koen Holtkamp et Brendon Anderegg manque de rugosité, non de fraîcheur ni de délicatesse, mais bien de lave ardente. L'image qui vient à l'esprit est celle d'une ville moderne en construction, comme si, en slow motion, des tenaces charpentiers s'avançaient pour déposer une pierre sur un édifice. Lentement. L'album met d'ailleurs un temps fou à démarrer. L'attente de l'explosion magique dont sont imprégnés tous les disques de post rock ambiant n'arrive jamais. C'est bien plus subtil que ça. Car la grande force du disque est d'avoir l'air de ne jamais y toucher : il y a ici une précision et une attention dans le mouvement de composition assez remarquables, transformant l'acoustique en brindille électrique et l'électronique en fil d'ariane cosmique. Ce souci de construction est central chez Mountains et irrigue mirifiquement les pièces centrales du disque : Propeller, soit vingt minutes de sons bidouillés, déchirés, transformés, et la conclusive Living Lens, sublime. Alors bien sûr ces ouvriers du bâtiment pavanent dans les rues mais personne ne s'arrête pour connaître la finalité de leur travail. L'intérêt est souvent porté au résultat final, rarement au processus, d'où cette volonté de voir puis de toucher, qui rendrait nos existences plus réelles. Quand est-ce qu'une chanson débute et comment la terminer ? Mountains rend l'équation insolvable, car le regard porté sur ces créations musicales évolue, au fil du temps, et se juxtaposent comme les pièces d'un puzzle. Minutieuse leçon d'architecture en musique.
7.5/10
(Differ-Ant, 2013)
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