Pauvre
homme, tu n'es pas à plaindre. La belle Lune, riche et extatique,
t'observe. Si les humains et la musique te fuient, elle, suivra
toujours tes pas et t'éclairera dans tes ténèbres nocturnes et
somnambules. C'est la voie qu'ont dû suivre Christian Wargo, Casey
Wescott et les frères Ian et Peter Murray tant cet inaugural album
rayonne de mélancolie bienheureuse. Piloté par Jared
Hankins et Bernie Grundman (Michael Jackson, Queen, Prince), la
galette rappelle tout le monde et personne à la fois.
Les deux leaders sont d'ailleurs membres de (feu ?) Fleet Foxes,
chauds et réconfortants cousins de Seattle. Et cela s'entend. Le
tout premier paysage à s'offrir à nous est Clouds
Below,
jolie et doucereuse comptine folk et chorale. Le ton brumeux est
donné : le ciel est couvert mais le coeur musical est plein de
générosité. Très proche d'Andrew Bird le ténébreux (jusqu'aux
sifflotements), Poor Moon se dandine comme une étoile, tout en
délicatesse. Dandy sur la printanière Holiday,
Wargo dit coucou à Pete Doherty en dressant ses ailes auprès de la
concurrence, tandis que Same
Way,
qui démarre par un piano brinquebalant et se nappe dans une solide
ambiance, évoque sans doute aucun leur groupe originel, Fleet Foxes.
Mais il faut rentrer à présent, car l'incroyable Come
Home nous
cloue définitivement sur place avec ses voix décuplées et sa
guitare sèche enchanteresse, avant que la batterie ne s'emballe pour
une balade primesautière, vive et spontanée. Tout en restant dans
un registre folk orchestral qui lui sied bien, la formation touche à
tellement de genres et d'influences que ça en devient
tourbillonnant. Et désopilant. Des écoutes répétées créent une
certaine torpeur. Mais de grâce, que c'est léger et beau, parfois
digne du Michigan
de
Sufjan Stevens, réécrit par Wargo et les siens, vue du ciel. Car
les paroles, d'une cohérence absolue, racontent une histoire de
déchirement, d'amour et d'espoir. Sans fard ni cliché
outrecuidant.“Il
y a bien souvent un paradoxe entre la façon dont une chanson résonne
et ce dont elle parle en réalité",
explique Ian Murray. Poor Moon se frotte à des artistes, des
planètes plus imposantes que lui. Exquis, pas lisse d'un iota. Il
manque seulement un brin de c(a)ra(c)tère. Le corpus sonore demeure
excellent, fin et méticuleux. Bats-toi contre les astres, la Lune
sera toujours de ton côté de l'hémisphère. Et, entre nous, tu
n'es vraiment pas à plaindre pour un splendide premier effort. Toi
non plus, ici ou là que tu te trouves, auditeur de mon coeur.
8/10
(Bella Union/Cooperative Music)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire