Appelez cela comme vous voudrez : révélation, bombe, tuerie électronique, trop-de-la-balle, made in France. Un peu tout ça à la fois. Difficile de s’en remettre. Les mots paraissent incertains. Pourtant, la puce gratouillait l’oreille lorsque l’EP Roller Coaster (2010) a enchanté les nôtres : telles irrévérence, ambition et férocité ne pouvaient être totalement anodines. La très apparatienne (période Duplex, 2003) Serpentine confinait à un étranglement sonore sous Lexomil. Damien (batterie) et Matthieu (guitare), révélés par le très relevé festival Les Nuits Sonores, ont transformé leur cocon ménager en studio d’enregistrement, quartier de La Guillotière, à Lyon. Pas de temps à perdre. Les deux frères ne cherchent pas à faire leur preuve : ils veulent convaincre tout le monde qu’ils sont indispensables. Un remix de Kylie Minogue (très putassier), un autre de Sally Shapiro (mais aussi d’Aufgang et de Portishead) et le tour est joué. Peu importe l’âge, que valent les fracas sociaux quand deux jeunes gars s’imposent avec une telle évidence ? Car The Call est un de ces disques qui appellent au respect, à l’écoute minutieuse et surtout à la danse énamourée. Quel flair qu’a eu – encore une fois – le label InFiné sur ce coup-là. A aucun moment Spitzer ne renie sa mère patrie, ses influences. Elles sont pourtant nombreuses : la dévastatrice Breaking The Waves ressemble très étrangement au titre Jet d’Ellen Allien et Apparat (Orchestra of Bubbles, 2006) tandis que Clunker ressuscite crânement le spectre de Ian Curtis. Mais ce n’est pas tout : l’asphyxiante Too Hard Too Breathe et sa précision chirurgicale (KID A au chant, petit protégé d’Agoria) a tous les contours d’un tube intemporel. Voilà, la musique de Spitzer, bien que résolument moderne, est au-delà. Au-delà de quoi, en fait ? De tout. Mais c’est quoi tout ? C’est cet assemblage de petits riens, cette honnêteté latente, cet éblouissement de talent qui font que Spitzer renvoie bien gentiment des mecs comme C2C au ras des pâquerettes dans un champ printanier de Bourgoin Jallieu, entre les vaches à lait productivistes et les faiseurs d’opinion à l’instinct grégaire.
9/10
(InFiné/Differ-ant, 2012)
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