vendredi 7 décembre 2012

Top Concerts 2012 (5 -> 1)


#5 Grandaddy @ Rock en Seine, Paris 

Plénitude, c'est bien le sentiment qui prévaut lorsque les Californiens reviennent pour limer leurs outils sur la scène de l'Industrie. L'attente fut longue. Six ans après leur séparation, la tournée de reformation de Grandaddy touche à l'inespéré. Le concert ne tient pas de l'événement, il vire en trois minutes pliées à l'historique. Sans concession, son brouillard plus que brouillon, instrumentations féroces, Jason Lytle et sa troupe sont au sommet de leur art. Le meilleur moment du show fut celui qui marqua la fin de celui-ci. Car une fois le silence revenu, les chansons des Californiens résonnent encore très fort dans nos têtes. Le sourire béat ne nous lâchera pas, et l'envie de les revoir non plus. Grandaddy a enlevé lui-même le rocher sous lequel il se cachait depuis tant d'années. Il en a fait une formidable comète qui s'envole très loin, partant à la découverte d'une constellation. Armstrong a marché sur la Lune, mais Jason Lytle a fait un little pas de plus : il a eu le courage de revenir au lieu de nous laisser orphelins. He's simple, he's dumb, he's the pilot : la messe est dite, le titre tire les larmes et les funérailles pilotées par Grandaddy sont une communion de vie pour tout ce qui a trait à ce monde cruel, mais quel beau monde quand même.




#4 Grizzly Bear @ Ancienne Belgique, Bruxelles

Qu'il semble loin le temps où Grizzly Bear tournait en tant qu'opening band auprès de Radiohead. Une expérience salvatrice, enrichissante, à n'en pas douter. Mais les Américains ont aussi su tirer partie de leurs aînés : comme ces derniers, ils réussissent à faire de leurs prestations des moments de vie. Celui qui a fait trembler notre coeur n'est autre que Daniel Rossen. Chanteur à la voix unique, guitariste hors pair, le petit koala de la bande a failli tout faire capoter ce soir-là. D'une humeur massacrante en début de set, Rossen fait la gueule et on ne voit que ça. Se dirigeant à plusieurs reprises vers son ampli, Daniel Rossen enchaîne les titres sans y croire. Speak in Rounds en ouverture est d'ailleurs méchamment expédiée. Mais voilà, l'alchimie d'un groupe repose aussi sur un savant équilibre. Et pour cela, on peut compter sur Christopher Bear, époustouflant à la batterie, et surtout Ed Droste, absolument fantastique de bout en bout. L'autre vocaliste de la bande réalise un concert parfait, délivre une énergie communicative, une intensité phénoménale et ses lignes de chant donneraient le frisson à une momie. Le groupe interagit très peu, chacun restant à sa place tandis que Chris Taylor paraît en retrait et qu'on se demande toujours quelle mouche a pu bien piquer Daniel. Mais les Grizzly Bear sont immenses et ils comptent bien le faire savoir. Avec le morceau final, All We Ask, joué en version acoustique. Il aura fallu les derniers instants pour voir le groupe se rapprocher, être en totale communion avec eux-mêmes, et encore une fois, Daniel Rossen prouve qu'il est l'un des meilleurs interprètes des années 2000.


#3 Sigur Ros @ Le Bikini, Toulouse


Les inénarrables Islandais n'ont pas simplement fait tourbillonner leur monde, non. Ils ont surpris le monde, dans une salle où il n'a jamais été aussi éprouvant de tenir sur ses jambes, tant la chaleur était épouvantable. En grand fan que je suis, je m'attendais naïvement à un concert vérécondieux, où leur plus récente création, Valtari, aurait la part belle. Il n'en fut rien. Sigur Rós a privilégié la démonstration de force, le spectacle transi et émotionnellement grandiose.  Jónsi et les siens ont décidé de frapper un grand coup, en livrant quasiment tous leurs meilleurs titres en live. I Gaer, Saeglopur, Festival, Hoppipolla, Hafsol... Excusez du peu. Sigur Rós a eu la très bonne idée de se parer d'un petit orchestre de cuivres, ce qui donne à leurs compositions de verre une substance de fer. Et que dire de la désormais classique mais toujours aussi "claque-dans-ta-facesque" Popplagið ? Rien. Se taire et s'en prendre plein la vue, plein la face, plein face. Les Islandais ont offert un vrai pied de nez à tous ceux qui les croyaient encore mous, ennuyeux, larmoyants et chiants. Concert best of d'une magnitude indétectable, les petits elfes d'Islande auront livré une immense, icebergienne performance.


#2 Sufjan Stevens @ Salle Pleyel, Paris


Sufjan Stevens (chant, claviers bidouillis), Bryce Dessner (guitare électrique) et Nico Mulhy (piano, claviers), donc. Plus un orchestre paré de trois violons et un violoncelliste (Navarra String Quartet), un batteur (James McAlister), sept cuivres (New Trombone Collective). La scène, spacieuse et généreuse, se voit surplombée par une immense masse sphérique représentant chaque astre narré par les trois compères. Un récital. Le son est irréprochable de bout en bout. Comme si une symphonie beethovienne nous était jouée aux portes de Mars. Ce qui frappe et sidère, c'est la légèreté avec laquelle Mulhy, Dessner et Stevens soulèvent les planètes. Entre la précision du second, la discrétion du premier et la perfection du poucet, une incroyable impression d'apesanteur s'abat sur la salle Pleyel. Nul doute qu'au-delà des chansons (il ne s'agit après tout que de cela), le concept autour de Planetarium a dû susciter bien des interrogations. L'idée est stevensienne. Ce projet, c'est son bébé. On suit les yeux fermés ces Armstrong, Aldrin et Collins du XXIe siècle. Le vaisseau est large, et la route est encore longue dans cette mission Appolo 2012.


Jupiter, « the king of planets », lance définitivement le spectacle étoilé. Lumineuse, puissante et déterminée, la grosse pomme d'une dizaine de minutes est tout bonnement exceptionnelle. Chaque instrument est judicieusement en place et raffiné. Les cordes du violon se frottent à la coulisse du trombone pour provoquer un bing bang émotionnel. C'est beau, mais c'est surtout très haut. La prise de risque, invisible, est pourtant à son maximum. Les dissonances dans les apocopes flirtent avec la pureté des voix, des mondes que l'on traverse sans trop se poser de questions. Il y a une grâce infinie qui propulse le concert dans une dimension stratosphérique. Venu clore un set époustouflant avant le rappel, Mercury est inénarrable. Ainsi, la moindre tentative de critique serait vaine et caduque. Le silence est parfois le meilleur moyen d'exprimer ce que l'on ressent.


#1 Radiohead @ Les Arênes, Nîmes



Il s'agit aussi du premier concert en France du quintet d'Oxford depuis quatre ans. Les places s'étant vendues comme des petits lingots d'or (en quelques minutes seulement, à des prix onéreux), c'est un euphémisme de dire que le retour de Radiohead était très attendu. Comment ont-ils vécu le deuil ? Car c'est dans ces tristes conditions que Radiohead réapparaît. Le groupe a dû annuler plusieurs dates, dont son show à Berlin, mais pour rien au monde les Britanniques n'auraient fait l'impasse sur les Arènes. Un cadre idyllique, un décorum antique et un son supersonique. Que demander de plus ? Radiohead est un groupe monstrueux, qui ne fait jamais les choses à moitié. Capable du meilleur (le triumvirat OK Computer, Kid A et Amnesiac est sûrement le plus osé et grandiose de l'histoire de la musique moderne) comme du moins bon (le contesté The King of Limbs). Parfois hué pour des albums soit sporadiques, soit trop travaillés, Radiohead montre très vite qu'il va souvent là où on ne l'attend pas en concert. Que dire par exemple de l'enchaînement Pyramid Song / Nude ? La première est sans doute aucun le morceau le plus tristement beau du groupe et il suffit d'écouter l'énorme ovation reçue par le groupe à la fin de la seconde sur le chant cristallin de Thom Yorke, mis à nu.


Une pause. Alors que l'on s'attend à un rappel conformiste et tranquille, débarque de nulle part l'hallucinante Treefingers, jouée pour la première fois sur cette tournée The King of Limbs. Les Américains savent désormais ce que nous avons de plus qu'eux. La version de Videotape, quelque peu trop classiciste sur In Rainbows, atteint ici une pure émotion, sobre et parcimonieuse. Même topo avec Weird Fishes/Arpeggi (on regrettera à jamais l'orchestre présent lors de la première interprétation du morceau en 2006 au Ether Festival), bombastique et fiévreuse, comme toujours. Et puis ? La sidérante Ful Stop, dernier inédit en date, qui, pour résumer, glace la couche d'ozone. Cette pépite prouve à elle-seule que le meilleur de Radiohead est peut-être encore à venir. 


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