Derrière une fringante ligne de basse juxtaposée à une rythmique faite de cordes, le titre tire sa superbe par par ses milliers détails et son refrain évident. En l'écoutant, on s'imagine dans les bras d'un ami ou d'un amour, à une autre époque, celle où tout allait mieux. La portée mélancolique du morceau et saisissante ; le feu d'artifice de cuivres dans la deuxième partie, terriblement bien amenée, brise le coeur pour en faire des flocons de bonheur distillés sur tous les toits du monde. Prodigieux.
#9 Chevalier Avant-Garde - Young
Si j'adore à un point inimaginable ce titre, c'est d'abord parce que c'est un tube monstrueux, aérien, mais aussi car il décrit pour moi les hauts et bas des coups de foudre. Young est une chanson sur l'amitié déchue. On s'aime, on est pareils, on se séparera jamais, tu m'as déçu, je ne t'ai pas compris, tu lis mes tweets en scred, je ne réponds pas à tes textos, le temps passe, qui es-tu ?
#8 Dirty Projectors - Gun Has No Trigger
Avec Swing Lo Magellan, les Brooklyniens tiennent enfin leur chef d'œuvre. Difficile d'en extirper un seul tube, mais Gun Has No Trigger a quelque chose qu'aucun autre titre écouté cette année ne possède : une saisissante narration. L'album est un véritable roman, Dave Longstreth en est le fabuleux narrateur, et ce titre le chapitre le plus excitant. A la fois percutant et délicat, GHNT tient de la perfection, les voix féminines y sont pour beaucoup. Sans parler de la batterie et de la ligne de basse, atomiques.
#7 Frank Ocean - Pyramids
Frank Ocean n'est pas un génie (pas encore, laissons-lui l'occasion de se vautrer) mais il est sans doute aucun l'une des grandes révélations de l'année. Derrière ces pyramides se cache un condensé de ce que ce talent de 25 ans est capable : une écriture sobre et rêche, des effets utilisés avec parcimonie, une aisance vocale stupéfiante, mais surtout un flow unique. Fou de littérature, figure du R'n'B cool et sensible, l'Américain insuffle une vraie force de caractère à ce titre fleuve (10 minutes). Et rien n'a l'air superflu, forcé ou surproduit ! La deuxième séquence du titre, poignante, est une leçon de musique. Ocean tsunamise (oups) en deux temps trois mouvements toute la discographie de Kanye West.
Sufjan Stevens, again, en mieux, beaucoup mieux. Au-delà de ses productions de Noël et son triolet semi-raté s / s / s, Sufjan a surtout chamboulé son monde par un formidable concert à Paris où il présentait son nouveau projet fou, Planetarium. Il consacre une chanson à chacune des planètes du système solaire. On aurait pas parié cher sur la peau de Mercure, mais le fait est que c'est la mieux vernie. En substance, elle renferme tous les attributs de la patte du bonhomme : une introduction douce où sa voix rencontre un piano brut, auxquels viennent se mêler des cuivres, avant une explosion finale adipeuse. A ce titre, Mercury n'a rien de surprenant, mais esquisse à merveille les talents d'architecte sonore du Monsieur.
#5 Kindness - It's Alright
Si voir Sufjan Stevens bien placé n'est pas une surprise, Kindness qui se hisse dans le quinté gagnant l'est déjà un peu plus. A la personnalité semble-t-il pas évidente et renfermée, Adam Bainbridge n'inspire pas une sympathie débordante. Mais là encore, quelle claque ! It's Alright terrasse toutes les genres : jazz, funk, soul, pop, rock, disco. Il y a tout. Tout. L'introduction, éblouissante, laisse place à une épopée swingante assez inespérée. Le titre n'a rien d'évident, et peut laisser de marbre. Toujours est-il que c'est une preuve que les styles sont caducs, désormais.
#4 Grizzly Bear - What's Wrong
On va pas se mentir : si j'ai décidé du "un titre seulement par album", c'est pour éviter que vous mangiez du Grizzly Bear à toutes les sauces. Sans ça, vous trouveriez huit voire neuf titres de Shields dans ce classement, et vous m'auriez détesté. Mais là j'ai décidé de pas en faire des tonnes et me demande encore comment ce titre ne finit pas #1. Difficile à décrire, What's Wrong est un morceau exceptionnel car très travaillé, bien arrangé, mais aérien, avec une tension, une ligne de cuivres A+, et les voix d'Ed Droste et Daniel Rossen sont impeccables. J'ai l'impression de salir ce titre en tentant vainement de le décrire, ou ne serait-ce d'exprimer ce que je ressens à son écoute, mais tout va bien hein (puisque Grizzly Bear me demande, je réponds, bah ouais). Je ferme ma gueule là. On appuie sur Play ?
#3 Hot Chip - Flutes
Flutes est le titre que j'ai le plus écouté cette année. Tout cumulé, on doit avoisiner les 200 scrobblings. Ce qui est troublant ; car Hot Chip est vraiment vomitif sur scène, mais il y a un morceau qu'ils ont pas trop amoché : Flutes. Flutes fait partie de ces titres que des milliers d'artistes aimeraient avoir à leur actif. Car on ne sait pas ce qui les rend si particuliers. On sait simplement qu'ils envahissent notre esprit et qu'ils font partie de nos vies tellement il nous reviennent plus souvent à l'esprit qu'une visite à rendre chez un parent, par exemple. Il doit y avoir une explication neuroscientifique à cela, c'est sûr. Et ces Hot Chip, geeks comme ils sont, ont sûrement exploré cette brèche là. La faiblesse en nous.
#2 Tame Impala - Elephant
Tout ce qui fut écrit ci dessus pour Flutes de Hot Chip vaut irrémédiablement pour ce titre de Tame Impala. A un détail près : il faudrait rajouter et oser parler de la putain de tension sexuelle qui jaillit de ce titre et qui donne envie de faire l'amour à à peu près tout le monde, ou de se trémousser au beau milieu de l'Ethiopie. Absolument indescriptible et diablement efficace, Elephant est le morceau parfait qui fait le pont entre un certaine héritage des années 1980 ainsi qu'une texture et une visée très moderne. Rien que la basse assure la démolition sans préavis de tous les titres de 2012. Et les Australiens sont immenses, car produire un titre d'une telle évidence tient de l'exploit.
#1 Daniel Rossen - Return to Form
Moins on goûte aux grandes oeuvres, mieux on les savoure. En parler, c'est la même. Simplement, avec ou sans Grizzly Bear, Daniel Rossen reste un immense artiste, bien qu'on sache très peu de choses sur lui. Son EP sorti cette année, Silent Hour/Golden Mile (chez Warp) en atteste plus que de raison. Rossen, et très précisément sur ce titre, rappelle Nick Drake (trop tard, c'est écrit) et son inégalable trésor Five Leaves Left, de par ses arpèges ambivalents, sa voix habitée, et la magnificence naturelle du morceau. Le jugement est personnel, mais si vous estimez que Return to Form ne mérite pas le statut de titre de l'année, laissez-le moi, j'en serai le dernier lésé.
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