mardi 13 novembre 2012

Animal Collective @ Le Grand Mix, Tourcoing (9/11/12)

Animal Collective @ the Henry Fonda, 25/09/2007

C'était il y a pas si longtemps, en fait. 2008. Animal Collective n'avait pas encore sorti son magistral Merriweather Post Pavilion (2009), leurs fans se comptaient sur des licornes d'un pull XL d'Urban Outfitters... Mais le groupe était déjà grand. Leur concert, pour illustrer la chose, se résumait à deux heures de brouhaha bruitiste complètement hermétique et abscons. Le groupe assume. L'audience un peu moins. Il ne fallait pas compter sur eux pour reprendre leur répertoire sonore, et encore moins leurs tubes, nombreux. La bande de Baltimore envisage la scène comme un territoire d'expérimentations ; le studio n'est là que pour donner un cadre à tout cela (et encore, quand ils ne composent pas via emails forwardés...).

Mais Animal Collective a changé. L'âge ? La paternité ? Leur statut de groupe incontournable de la scène indé ? On s'en fout. Le groupe a de la bouteille, n'a plus grand chose à apprendre de ses pairs ( leurs inspirations démontrent que les quatre fantastiques puisent du côté des racines de la musique) et surtout se fiche bien de plaire ou non. Centipede Hz, leur nouvelle galette, a reçu un accueil mitigé, très loin de l'unanimisme entourant MPP. Un virage radical par rapport à ce dernier : des morceaux plus bruts, plus énergiques, moins pensés mais tout aussi addictifs. Pas étonnant dès lors que leurs concerts aient eux-aussi connu un lifting (très appréciable).

Panda Bear, Geologist, Avey Tare et Deakin ont, une semaine auparavant, livré une exceptionnelle prestation au Pitchfork Festival de Paris. Pour preuve : situé au 20e rang en début de set, je me trouvais derechef aux avant-postes vers la fin du show. Les gens payent 130 euros pour trois jours de festival et quittent un concert fantastique, tranquilou. A Tourcoing, on les retrouve là où on les avait quittés : au sommet. Dans une petite salle bien foutue et un son quasi irréprochable en plus. Tandis qu'il fallait prier les cieux pour avoir droit à un morceau tiré de leurs albums il y a quatre ans (et encore, dans une version totalement retravaillée), David et les siens interprètent quasi intégralement les pièces de Centipede Hz, qui trouvent une régénérescence assez stupéfiante en live. Rosie Oh ouvre gentiment le bal, mais c'est Today's Supernatural qui lance véritablement les canons. D'une brutalité et d'une sensualité à toute épreuve, le titre montre aussi les progrès phénoménaux accomplis par Avey Tare sur le plan vocal. Chaque membre demeure concentré sur son élément, interagit peu avec le public, moins par snobisme (penser que Animal Collective est un groupe élitiste et salopard est la pire des ignorances) que par réelle imprégnation et souci de bien faire. Wide Eyed est l'occasion de vérifier que le bassiste Deakin, longtemps absent, a tout à fait sa place dans le groupe. Le décorum, plutôt intimiste et foutraque est orné d'immenses dents gonflées présentes sur scène (non, Libé Next, il ne s'agit pas d'orteils) (lire ici le pire live report de toute l'histoire de la musique narrée), Avey Tare s'est teint les cheveux en bleu et Panda Bear a dû perdre 5 kilos en une heure (il doit lui en rester 40, à vue d'oeil). D'une cohérence totale, Animal Collective est maître dans l'art de la transition, n'interrompant que rarement les titres, préférant laisser une note au diapason et bidouiller leurs instruments (déjà en train de préparer un nouvel album ?). Les temps morts ? Il n'y en a pas. Le groupe parvient à créer une osmose, à captiver une audience archi-conquise, car ils aiment la musique et surtout la respectent. Ils s'appliquent. Et c'est pas chiant pour un sou.

Mais le clou du spectacle se trouve dans le combo Brothersport / Peacebone. Le premier venait clore de la plus belle des manières Merriweather Post Pavilion tandis que ce second inaugurait leur (sous-estimé à mon goût) Strawberry Jam (2007) et reste l'un de leurs testaments pour l'Histoire. Alors, ce n'est plus à du délire auquel nous assistons : c'est carrément un appel au sexe, à la libération du corps, au génocide de la raison. Dotés d'une exceptionnelle rythmique, ces deux morceaux sont, enchaînés, absolument gargantuesques et prouvent à eux seuls que rien ne remplacera l'expérience live. Le rappel, lui aussi fantastique, allie Cobwebs (les mecs de Baltimore ne sont pas qu'un safari sur pattes, ils savent aussi émouvoir), My Girls (chef d'oeuvre absolu, un point culminant de leur carrière) et Amanita, dans la même veine que Brothersport mais en plus posé, tout de même. Le public, en totale transe, s'oublie, tant l'évidence est palpable : Animal Collective a eu ses hauts et ses bas mais fait figure de groupe précurseur, radical, total. Les souliers étaient, au départ, collés au sol par la bière renversée. Ils sont, désormais, glissants à cause de toute la sueur déversée. Pourquoi attendre l'aube pour s'enivrer dans un swing endiablé ?


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