mardi 4 octobre 2011

Sóley - We Sink (2011)




On aurait pu la voir venir. Sóley Stenfánsdóttir s'est faite un nom au sein du génial collectif Sin Fang (ex Seabear). A 24 ans, l'Islandaise vire désormais en solo, après l'EP Theater Island (2010) qui présageait de beaux horizons à venir. De la délicatesse, une voix de porcelaine (avec ce si particulier accent nordique) et un piano éclatant : la recette employée convainc. We Sink se déroule comme une pellicule photo, chaque pièce révèle celle qui la précède. Comme une éternelle enfant, Sóley clame sa singulière fantaisie. Premier constat : tout sonne (trop ?) charmant, un peu naïf mais attachant. L'omnipotent piano rencontre une discrète batterie pour créer un gimmick additif et dansant (Pretty Face). Sur Dance puis And Leave, Soley l'artisane dote ses morceaux de douces ruptures, de contretemps, tel un conte à rebondissements. 

Malgré tout, l'absence de titres plus percutants, de réelle envolée se fait sentir. Trop lisse, l'Islandaise ? Patience. Dès Kill that Clown, Sóley délaisse toute vérécondie et dévoile une face résolument plus fantasmagorique. Et audacieuse. Le morceau tant attendu arrive avec le brillant About Your Funeral : des claquements de langue, une valse lancinante, le tour est joué. Le morceau meurt absorbé par un enchevêtrement de voix habitées et un bricolage sonore rappelant les beaux débuts de Cocorosie. Le diptyque The Sun is Going Down est du même acabit, avec un clavier plus sobre et somptueux que jamais. Qu'il est bon de voir ces créatures étoilées hanter la bienveillante bulle dans laquelle l'Islandaise nous couvait jusque là. Et se laisser charmer, tout entier, en attendant le prochain rayon de Sóley. 

7.5/10

(Morr Music/La Baleine)



Apparat - The Devil's Walk (2011)




Mais où diable ranger Sascha Ring ? Tantôt DJ prolixe, tantôt compositeur sensible, l'Allemand dévore les genres comme autant de conquêtes à son actif. En explorateur permanent, il n'est jamais là où on croit. Et décide, pour ce nouvel opus, de s'exiler à Sayulita, un village mexicain au bord du Pacifique. De retour à Berlin, il change tout et se remet à la charge. Un éternel recommencement.

Le sublime Walls (2007) mettait déjà en lumière les qualités de mélodiste de Sascha Ring. The Devil's Walk, allusion à un poème de Shelley vieux de 200 ans, est de la même trempe. Eblouissant de bout en bout, l'album érige une cathédrale en perpétuelle construction. Des voix cosmiques et sacrées (Sweet Unrest) placent l'oeuvre là où elle doit être : très haut. On les retrouve plus discrètes sur la pop électronique de Song of Los, au charme immédiat. Anja Plaschg, alias Soap & Skin s'invite sur Goodbye, complainte sombre un poil convenue. Mais que dire de ce qui suit ? Le flow dévastateur de Candil de la Calle et ses faisceaux sonores sont à tomber. Et puis ? The Soft Voices Die, vernie d'un léger xylophone, de boucles rythmiques et de somptueuses cordes, touche comme rarement Apparat l'a fait jusque là. Une démonstration. Au jeu de cordes remarquable, la frénétique Ash Black Veil n'est pas en reste, rappelant les contrées solistes d'un Thom Yorke

D'une maîtrise implacable, lunaire et troublant, The Devil's Walk s'achève (et achève) avec Your House is My World, morceau d'une dextérité et d'une profondeur époustouflantes. Apparat, muni d'un ukulélé (oui), se meut en tisseur de toile d'un autre temps. Car quelle que soit la marche suivie par ce diable-là, sa destination finale importe peu. Le voyage se suffit à lui-même tant il permet de s'arracher, le temps d'un songe, à cette satanée destinée qui nous unit.     

9/10

(Mute/Naive)



En concert à la Gaîté lyrique le 12 octobre (Paris).