jeudi 30 décembre 2010

Top Albums 2010 (3 - 2 - 1)




Parce que la musique est arts sonore et visuel avant d'être littéraire.
Parce que les commentaires à rallonge ne m'intéressent pas (ni vous je pense).
Parce que si je mets Sufjan Stevens en #1 je vais forcément dire que son album est génial et j'aime pas les lieux communs.
Parce que j'ai la flemme de Noël, à défaut d'avoir la flamme.
Parce que les trois disques de 2010 sont extraordinaires et que commenter c'est rabaisser.
N'hésitez pas à me faire part des vôtres dans les commentaires...
Joyeuses fêtes à tous ! 

* IS *

3. Janelle Monae - The ArchAndroid




























2. Kanye West - My Beautiful Dark Twisted Fantasy


























1. Sufjan Stevens - The Age of Adz




















mardi 21 décembre 2010

Top Albums 2010 (10 -> 4)


10. Syd Matters - Brotherocean
Groupe français qui chante en anglais et que je suis depuis leurs débuts (2004-2005), Syd Matters s'est d'abord fait connaître par l'immodestie de ses influences : Radiohead, Nick Drake, Robert Wyatt... Mêlant folk, rock et électro, le groupe a peu à peu délaissé cette troisième composante pour rendre sa musique plus homogène et lisible. Brotherocean s'inscrit dans la pure lignée des précédents albums ; il n'en garde pas moins un petit truc qui fait toute sa différence. Ce qui séduit ici, c'est surtout le travail remarquable sur les voix : choeurs, chant/écho/contre-chant, harmonies, arpèges vocaux... La voix de sieur Jonathan Morali n'est pas étrangère à ce travail d'orfèvre. Mais là, tous les membres du groupes ont mis la voix à la ouatte.

C'est souvent le cas, mais c'est encore plus le cas pour Syd Matters : le talent du groupe explose en live. Les instrus se font beaucoup plus complexes, le son est  non pas plus travaillé, mais plus risqué et aventureux. C'est la marque des grands groupes (et sur ce point je les rapproche de The National) : séduire sur album, conquérir sur scène, faire jouir anyhow

A écouter en priorité : Hi Life, We Are Invisible, I Might Float.


9. CocoRosie - Grey Oceans
N'étant pas spécialement fan des soeurs Casady jusqu'ici, cette #9 est une surprise. Après un précédent album mou du genou, Grey Oceans opère un virage radical. Radical, oui et non. Les voix si particulières, les arrangements de porcelaine, les sonorités exaspérantes sont toujours là. Mais sont décuplés. Ce qui donne un album radicalement réussi. Alternant balades doucereuses (Grey Oceans) et choppes électro sidérantes (Fairy Paradise), ce quatrième album est une bombe, qui n'a pas fait l'unanimité, loin s'en faut. J'ai d'ailleurs commencé à apprécier le disque des mois après sa sortie. La gestation a parfois du bon. A écouter occasionnellement, car l'originalité et le parti-pris adopté par CocoRosie sont à double tranchant. 

A écouter en priorité : Grey Oceans, Lemonade, Fairy Paradise.


8. Arcade Fire - The Suburbs
Tout ou presque a été écrit sur Arcade Fire. Un groupe génial. Un grand groupe. Très grand. Problème : ils sont à la limite du terrestre et de l'universel. Terrain d'atterrissage : les stades. Arcade Fire serait en passe de devenir le U2  2010's.

Sauf qu'il y a encore un espoir. Même en produisant son album le moins exceptionnel (formule bien alambiquée pour dire le plus à chier), ils se hissent à la 8e place. Pas volée, certes. Mais quand son premier album s'appelle Funeral et que c'est l'album de la décennie, y'a de quoi péter un câble. Neon Bible n'arrivait pas à la cheville de Funeral, il n'en était pas moins excellent car différent. The Suburbs est encore une fois différent, sans être étourdissant ni vraiment troublant. Déjà, il est bien trop long : plus d'une heure pour un album de folk pop, c'est trop. Ensuite, il comporte des titres qui plombent tout : Half Ligh II, Sprawl I, Month of May sont chiantes comme une diarrhée automnale. A côté de ça, Arcade Fire parvient toujours à lancer de véritables bombes sonores : Ready to Start, Suburban War, We Used to Wait ou Sprawl II, pour ne citer qu'elles. Ce qui donne un album claudiquant, terriblement consensuel et casual (pas étonnant qu'ils aient atteint le #1 du Billboard US...), mais aussi extrêmement soigné, généreux, et régénérateur. La où Arcade Fire perd en furie et spontanéité, il en gagne en profondeur et sérénité. 

A noter que les textes sont splendides et le leitmotiv très intéressant (les banlieues, le "je-ne-suis-à-ma-place-nulle-part"). Ce n'est pas la musique qui sauvera Arcade Fire du pompiérisme U2ien, mais bel et bien sa capacité à délivrer des bombes textuelles pénétrantes.     

A écouter en priorité : Ready to Start, Empty Room, Sprawl II.


7. Joanna Newsom - Have One On Me
Dans le genre radical chic, celle-là est pas mal non plus. Après son merveilleux album Ys (2006), composé de cinq titres allant de 6 à une vingtaine de minutes, je pensais que Joanna Newsom allait revenir à un format plus conventionnel, n'ayant plus à prouver sa soif de démesure (et d'excellence). C'était bien mal la connaître. Have One On Me fait encore plus fort : triple album, durée moyenne d'un morceau: sept minutes, 2h40 de sons majestueux. Autant le dire tout de suite : écouter tout d'une traite ne fera que provoquer une réaction extrême. Il est quasi impossible d'aborder l'album ainsi, et ce n'est d'ailleurs pas le but. On ne fait pas un bon bouquet en cueillant toutes les fleurs de la planète.

Non, il est préférable d'écouter Have One On Me en plusieurs fois. L'album 1 est d'ailleurs le plus accessible (et le plus réussi). Le morceau-titre est un condensé assez génial de dix minutes du talent protéiforme de la surdouée américaine. Instrument de prédilection : la harpe. Ambition : la perfection. Good Intentions Paving Company est le meilleur titre de ces 18 morceaux, et son meilleur titre tout court après l'inénarrable Emily (sur Ys). Assez bizarrement, ce que Newsom a en démesure dans la démarche est équilibré par un remarquable et colossal travail mesuré dans la composition. Voix très particulière (on kiffe ou on vomit)  servie par des arrangements de cordes, de piano, de harpe absolument divins. Mais l'ennui n'est jamais très loin. L'album 2 a de gros moments faibles (il n'y gère qu'In California et Jackrabbits à sauver), et l'album 3 alterne entre le superbe (Soft As Chalk, Ribbon Bows) et le franchement insupportable (Esme, Autumn). Qu'importe, le résultat final séduit, car on peut tout reprocher à Joanna Newsom, mais son implication, son goût pour la musique et la passion qui se dégage de ses performances scéniques (formidable concert à la Villette en mai avec un mini-orchestre du plus bel effet) la hissent, à 28 ans à peine, au rang des plus douées de sa génération.

A écouter en priorité : l'album 1.


6. Deerhunter - Halcyon Digest
Encore un groupe formidable que j'ai découvert sur le tard. Halcyon Digest n'est pas vraiment comparable à ce que Deerhunter a fait auparavant. Beaucoup moins noisy, plus accessible (pour moi l'accessibilité est une grande qualité, en art comme ailleurs) mais tout aussi torturé et beau. Rien à ajouter.
A écouter en priorité : Desire Lines, Earthquake, Helicopter.


5. Owen Pallett - Heartland
Coup de coeur instantané. Violoniste d'Arcade Fire, ex-Final Fantasy, Owen Pallett livre un album dévastateur. Sa voix fragile et lunaire, ses talents de violoniste et ses dons de compositions font de ce Heartland un chef d'œuvre. Débarrassé de lourdeurs et excès irritants (two thousand six-album He Poos Clouds), il irradie par sa facilité désarmante à produire des bijoux et exulte par l'inconséquence de sa mégalomanie. Un disque indispensable à tous les amoureux de violon, de morceaux somptueusement graciles. A tous les amoureux de la bonne musique, quoi. La vidéo qui suit donne une brillante idée du personnage : http://www.youtube.com/watch?v=T7WxTP3ger8

A écouter en priorité : Lewis Takes Off His Shirt, E is for Estranged, Tryst With Mephistopheles.


4. Massive Attack - Heligoland
Le coup de maître de Heligoland, c'est de réussir à traduire la souffrance apocalyptique qui ronge notre monde en offrant une perspective plus noire encore.

A écouter en priorité : Girl I Love You, Flat of the Blade, Atlas Air.

dimanche 19 décembre 2010

Top Albums 2010 (15 -> 11)

Suite de mes albums préférés de 2010 :

15. Midlake - The Courage of Others 

The Courage of Others n’arrive pas à la cheville du chef d'œuvre The Trials of Van Occupanther. Ce nouvel album n’en reste pas moins réussi, très mélodieux, peut être un peu lisse, mais somptueux, comme toujours chez les Texans. Midlake en live, c’est à tomber par terre. Bien plus énergiques, plus rêches aussi, leur concert à la Cigale est un souvenir formidable.

A écouter en prioritéActs of Men, Winter Dies, Children of the Grounds.

14. PVT - Church with no Magic

Les Inrocks ont présenté PVT comme suit : “Si vous aimez Radiohead, vous aimerez PVT”. Derrière le slogan promotionnel, la comparaison n’est pas volée. Même sens mélodique, même recherches rythmiques, mêmes sons mélancoliques, Church with no Magic est une vraie bonne révélation. Ni trop court, ni trop long, ni trop tapageur ni faussement modeste, PVT aurait pu figurer dans mon top 5 si 2010 n’avait pas été aussi exceptionnelle (musicalement parlant). A suivre de très près.

A écouter en priorité : Church with no Magic, Window, Waves and Radiaation. 

13. Beach House - Teen Dream

Eux, ce sont les nouvelles têtes de file de la dream pop (j'ai horreur des catégories, mais bon). A écouter Teen Dream, on comprend pourquoi. Chaque morceau semble être un rêve sonore vêtu de coton blanc. La voix de Valérie Legrand, grave, « empoumonnée », donne un côté charnel à ses mélodies élégiaques et raffinées. De la pop moderne et terriblement séduisante. Légère déception en live, où le duo ne parvient pas à hisser ses compositions au rang de constellations lunaires.

A écouter en prioritéSilver Soul, Norway, 10 Mile Stereo. 

12. Antony & the Johnsons - Swanlights

J’ai un problème avec Antony. Depuis l’hallucinant I Am a Bird Now, je trouve qu’il perd chaque fois un peu plus de sa superbe. Malgré tout #12 quoi dans mon top, c’est la classe quoi. Certains auraient tué pour en être. La voix est toujours aussi magnifique, les mélodies toujours aussi belles à pleurer sur un nid de coucous, mais voilà. L’androgyne semble avoir oublié ses Johnsons. Du coup, Swanlights n’atteint jamais la flamboyance de I Am a Bord Now. Envol plané. 


A écouter en priorité Ghost, Thank you for Your Love, Fletta.

 

11. The National - High Violet

Pour le coup, là c’est l’inverse. D’album en album, The National construit son monde, sa façon de faire de la musique, à leur rythme. De là à considérer qu’il s’agit du meilleur groupe au monde, il y a un fossé que je ne franchirai pas parce-que-j’ai-pas-envie-de-me-casser-la-moelle-hein. Mais High Violet séduit car il comporte tous les ingrédients d’un bon disque de rock : la voix identifiable, les riffs inoubliables, les mélodies tubesques, les sons plus noisy … Afraid of Everyone est l'un des meilleurs morceaux de l’année. Je ne dirai rien de plus sur leur concert à l’Olympia, absolument époustouflant. 

A écouter en priorité : Anyone's Ghost, Afraid of Everyone, Bloodbuzz Ohio.

jeudi 16 décembre 2010

Top Albums 2010 (20 -> 16)

Oui j’avoue, je suis féru de classements et les tops de fin d’année sont l’occasion pour moi de faire un bilan assez bandant sur les must listen to de 2010. Sans prétendre avoir tout écouté (loin s’en faut), voici la liste des 20 albums qui m’ont le plus marqué (dans le bon sens) cette année. 
  

20. Local Natives – Gorilla Manor

L’une des belles révélations de l’année. Surfant sur le succès des Yeasayer, Vampire Weekend et Fleet Foxes, les Local Natives parviennent malgré tout à se démarquer par des mélodies efficaces et riches. Ils sonnent exactement comme un groupe de Brooklyn, entre psyché folk et rock propret. Sauf qu’eux, c’est de Los Angeles qu’ils débarquent. Angéliques, peut-être,  mais surtout rêches et prometteurs. Leur plus : une spontanéité et une générosité qui font des merveilles en live.

A écouter en priorité : Sun Hands, Shape Shifter, Warning Sign.  


19. MGMT – Congratulations

Eux, plus besoin de les présenter. Connus et réduits (à tort) à leur tubesques Time to Pretend et Kids, MGMT livre un second album inattendu. Pas de single évident, et pourtant, que des titres imparables. Depuis Oracular Spectacular, les kids ont grandi. Et souffert. On leur pardonnerait presque leur médiocrité scénique. La géniale Siberian Breaks (12 minutes de trip foutraque et hallucinatoire) vaut à elle seule le coup (de barre).  

A écouter en priorité : Flash Delirium, Siberian Breaks, Song for Dan Treacy.


18. Florent Marchet – Courchevel

Presque à lui seul, Florent Marchet sauve l’honneur de la chanson française dans ce top. Relativement peu connu (j'aime bien dire ça, ça permet à ceux qui connaissent de se sentir cultivés et à ceux qui ne connaissent pas de se sentir moins cons), il est l’un des rares en France à allier élégance mélodique et recherche textuelle. Courchevel est dans la lignée de son précédent album, Rio Baril. Arrangements somptueux, désabusement, humour noir ont la part belle, malgré une voix pas exceptionnelle mais touchante. L’influence de Sufjan Stevens est latente. Mieux, beaucoup mieux qu’Arnaud Fleurent Didier, dont le single France Culture (l’un des meilleurs titres de l’année) est un pétard mouillé. 

A écouter en priorité : L’Eau de Rose, La Famille Kinder, Hors Piste.


17. Caribou – Swim

Anciennement appelé Manitoba, Caribou se fait peu à peu une place de choix dans la sphère indé. Rare artiste à pouvoir se vanter (sic) d’un titre servant de générique au Grand Journal, le grand manitou opère une profonde mutation. Moins pop et féerique, plus électro et caustique. Très homogène, un peu redondant par moments, Swim marque un virage impressionnant, risqué mais salutaire. Déjà multi-remixé, Odessa est LE tube électro de l’année, supérieur à tous les titres du dernier LCD Soundsystem, assez décevant.

A écouter en priorité : Odessa, Kaili, Leave House.


16. Foals – Total Life Forever

Même si les deux formations n’ont pas grand-chose à voir musicalement parlant, MGMT et Foals ont montré cette année qu’ils n’étaient pas le groupe d’un seul album. Bluffant d’efficacité et de profondeur sonores, Total Life Forever est moins hype qu’Antidotes, leur premier album (2008) mais bien plus brillant. L’évolution est réussie même si les fans de la première heure ont dû être désarçonnés. Assez paradoxalement, Foals a, en élargissant son potentiel, réduit l’hétérogénéité de son public. Bien leur en a pris.

A écouter en priorité : Spanish Sahara, After Glow, Black Gold.

lundi 13 décembre 2010

Nowhere Beatles

Nowhere Boy, sorti en salles le 8 décembre, réussit deux exploits. 1/ Nous faire oublier que John Lennon fut un Beatles. 2/ Nous faire croire que John Lennon, fut, est, sera un beau gosse. Improbable.


Qui est John Lennon ? C'est la question à laquelle s'attelle Nowhere Boy, le nouveau film de Sam Taylor-Wood. Réalisatrice parmi d'autres de Destricted (une série de sept kourtrajmé sur l'art et le sexe), Sam Taylor-Wood est une femme. Et, sans vouloir faire du machisme à deux balles ni de psychologie de comptoir, c'est le plus gros problème du film.

Le John Lennon décrit dans Nowhere Boy n'est pas celui qui tout le monde connaît. Ici, l'accent est mis sur la relation mère-fils entre John et sa mère, à laquelle s'ajoute sa tante. John, cinq ans à peine, assiste aux conflits à répétition de ses parents, l'air innocent, incrédule. Jusqu'à ce que la question cruciale se pose : il faut choisir entre papa et maman. Celle-ci, fuit. Le père part en Nouvelle-Zélande, et c'est sa tante (remarquable Kristin Scott Thomas) qui prendra en charge le petit génie. 

Voilà l'angle choisi pour attaquer l'icône Lennon. Résultat : un portrait sentimentaliste, psychologisant à souhait, qui jamais ne retranscrit la véritable nature du personnage. Le choix est assumé, certes, il n'en reste pas moins mauvais. Distinguer à ce point Lennon des Beatles est franchement criminel, surtout pour les fans. Nowhere Boy sied à merveille à ceux qui connaissent mal les Beatles. Les fans, eux, se sentiront trahis. Parce qu'au fond, on s'en fout que John Lennon ait souffert de la séparation de ses parents et qu'il soit devenu un appât de prestige entre sa mère et sa tante. C'est tout sauf original, et c'est enlever toute profondeur au maître.

La musique sert de tapisserie. Les Beatles ? For the wind. Lennon se forge en partie grâce à son admiration pour Elvis Presley (à qui il pique la coupe et l'arrogance). Paul McCartney (interprété par le très bon et charismatique Thomas Sangster) n'apparaît qu'au bout d'une heure de film. Tandis que Ringo et George sont réduits aux rôles de figurants. Consternant. A noter malgré tout une réalisation réussie, une esthétique assez homogène, et des acteurs somme toute convaincants.

Mais Sam Taylor-Wood manque de sérieux. Le travail pour s'attaquer à un monstre sacré d'une telle envergure (ai-je besoin de préciser que je voue un culte à Lennon ?) fait cruellement défaut. Les scènes voulues "émouvantes" (le sort qui s'abat sur la mère, les relations père-fils-mère) sont ratées, desservies par une musique mielleuse de très mauvais goût. En revanche, la scène où John s'en prend à Paul, tels deux frères ennemis, est bouleversante. Tout comme le moment où ils jouent en studio. Et livrent ce qu'ils font de mieux : de la musique.

Pas anodin que le terme Beatles ne soit jamais prononcé pendant l'heure quarante-cinq que dure le film. Pas franchement malin, non plus.

4/10


samedi 11 décembre 2010

Rendez-nous la Monáe !

Ce post sera long, car son sujet paraît inépuisable. Forte de collaborations prestigieuses, Janelle Monáe, Américaine de 25 ans originaire du Kansas, s’est frottée à la Cigale pour défendre The ArchAndroid, son album kaléidoscopique mêlant soul, funk, r’n’b, rock et musique classique. Un moment orgiaque, d’une grâce inouïe. 



Une étoile. C’est la juste appellation pour décrire ce petit bout de femme qui a illuminé la Cigale jeudi soir. De par son passage éclair, la lumière qui jaillit de sa voix et de sa crinière, et sa prestation, brillante et sans orage, Janelle Monáe est foudroyante. 

C’est en mai que l’Américaine éclot et frappe les esprits. Après Metropolis, The Chase Suite, EP passé quasi inaperçu en France au moment de sa sortie (2008), elle se fait un nom avec The ArchAndroid (2010), production ovniesque truffée d’influences et qui ne ressemble à rien d’identifiable. Adulée par Big Boi (la moitié de Outkast prête sa voix et son flow sur Tightrope), elle assure sa réputation en conviant des pointures sur le disque : Saul Williams, Deep Cotton ou encore Of Montreal. Y’a pire comme featurings. La jeunette (25 ans depuis peu) aurait pu se laisser bercer et berner par de telles pointures, et par la même occasion y laisser son talent et son cran. C’est mal la connaître. Monáe maîtrise tout, de bout en bout. Sans écraser ses musiciens et collaborateurs. Mais The Archandroid, c’est elle et elle seule. 

Une constellation ovniesque

«Je ne suis pas différente pour être différente. Je tiens par-dessus tout à produire la musique la plus honnête possible», déclare-t-elle au Figaro. Et comment. Sur scène plus qu’ailleurs, l'extraterrestre soul livre une prestation absolument dantesque, unique et jouissive.  Un choc esthétique. 

Mes propos paraissent sûrement surfaits, exagérés. Compréhensible, surtout après un post sur le dithyrambe dans la presse culturelle. Ouais. Sauf que là, tous les superlatifs sont mérités. Il convient simplement de les utiliser avec parcimonie, car porter Janelle Monáe aux nues, la considérer comme la créture soul du XXIe siècle, ce n’est pas lui rendre service. Sa récente nomination aux Grammy Awards, qui peut la rendre célèbre aux yeux du grand public, ne sera sans doute pas facile à gérer. Monáe a beau avoir intégré la prestigieuse American Musical Dramatic Academy, elle ne veut pas tenir les seconds rôles. Elle joue vrai. Ce qui frappe avant tout chez cette perle noire brute de décoffrage, c’est la sincérité qui se dégage de sa musique. Pas de chichis, pas d’effets superflus, pas de paroles complaisantes (la miss réussit l’exploit de ne pas adresser un seul mot au public – en furie – sans paraître prétentieuse ni divaesque.

« Can we get much higher ? », clame Kanye West sur son (phénoménal mais pas révolutionnaire) album My Beautiful Dark Twisted Fantasy (2010). Janelle Monáe répond par l’affirmative. Pendant une grosse (mais insuffisante) heure, elle emporte tout le monde dans la stratosphère. Puissiez-vous  me croire. Si j’étais du genre à m’enflammer pour tout et n’importe quoi, je n’aurais certainement pas débuté ce blog par une review mi-fraise mi-kiwi d'un concert moyen. Mais quand un tel cataclysme musical croise ma route, hors de question de céder le passage.  Et puis, il vrai qu’il est plus facile de parler de ce qu’on aime de ce que l’on déteste (quoique). Mais les excès sont à bannir anyhow.

Aussi sûre d’elle et assurée que Janelle Monáe puisse paraître, une grande part du succès de son concert tient à la présence et à l’énergie folle de ses musiciens, choristes et danseuses. Une troupe survoltée et généreuse. Guitare électrique, batterie, cuivre et samples s'entremêlent sans agresser l’oreille. Le tout est savamment dosé, sans paraître sclérosé et trop préparé. On ne peut accuser la belle d’un perfectionnisme suranné : elle atteint d’ores et déjà la perfection.


L’émancipation comme source de liberté absolue

Au-delà de la musique, le show est visuellement un bonheur pour les yeux. Un écran géant est disposé pour diffuser des extraits de films et des pas de danse en noir et blanc. Années 1930. Sur Locked Inside, Janelle l’intemporelle chante : 

She's quick to fight
For her man but not her rights
Even though it's 3005
When will we end this genocide?

La violence, la dépendance, la liberté et le chaos : voilà des thèmes clés de la diva qui utilise ses textes comme autant de plaidoyers pour un monde émancipé. Metropolis de Fritz Lang et ses ouvriers broyés par la machine apparaissent à l’écran, tandis que Monáe et sa troupe éclaboussent de finesse et de rage. A maintes reprises, les danseuses occupent la scène vêtues de costumes de nonnes hébétées. Tenant la note et dansant comme une reine, l'étoile mime un coup de pistolet contre elles, et met son monde K.O. Sa cible ? Les fanatismes, les frontières, les restrictions. Le public l’acclame à chaque interlude. Public métissé : bobos et rebeus se soudent et dansent comme un seul homme. 

Pendant les vingt premières minutes, Monáe enchaîne sans s’arrêter les quatre premiers titres de son album. Energie folle, ambiance (déjà) voltaïque, ce concert sera explosif ou ne sera pas. Alors oui, il y a de quoi être agacé par les élans de voix de la chanteuse, son énergie, ses pas de danse, son maniérisme. L’aisance, la plénitude, la perfection agacent. Et c’est exactement ce qui se dégage de sa prestation. The ArchAndoid a la part belle, évidemment. L’album a beau être dense et long (18 titres), le concert ne durera guère davantage. Les titres imparables s’enchaînent (Faster, Locked Inside, Come Alive, Tightrope), mais de grands morceaux sont absents (Neon Valley Street et surtout l’inénarrable BeBopByeYa). Sans manquer, pour autant. Tightrope est formidable, même sans Big Boi. Sur Come Alive, elle soigne son profil rock, sous une ligne de basse et une batterie enragées. A noter la remarquable reprise de Charlie Chaplin, Smile. Touche-à-tout sans paraître fourre-tout. 

Le moment le plus irréel du concert survient lorsque Janelle, à la tenue impeccable, se glisse dans la fosse telle une féline affamée. Elle tient la corde (vocale), le public reprend juste après, et peu à peu, sous une lumière tamisée, elle parvient à faire asseoir toute la fosse, hypnotisée par la douceur et le pouvoir de séduction de l’artiste. Le moment, beau et émouvant, tient du religieux et de l’inconcevable.

Irradiante de classe et de style, Janelle Monáe en a encore sous la semelle. D’où une certaine désinvolture qu’elle peut dégager, par moment. Et c’est bien là le plus inquiétant : elle avait de quoi tenir deux bonnes heures. La bonté tient moins de la quantité que de la qualité du don. Mais aurait-elle été aussi belle, aussi gracieuse, aussi intouchable des heures durant ? La marque des génies, c’est de briller sans en mettre plein la vue. 

9.5/10

mardi 7 décembre 2010

Culture pub


Sur disque et encore plus sur scène, Born Ruffians est l'un des groupes les plus passionnants de l'ère moderne. Ils tournent début décembre et c'est immanquable : on vous explique pourquoi.

Ca, c’est le chapô d’un article paru le 26 novembre sur le site des Inrocks. Auteur : Thomas Burgel, fin connaisseur de la scène indé, rédacteur (re)connu pour sa flamboyance mais aussi pour sa main lourde dans le dithyrambe. « Plus » ; « l’un » ; « passionnants » ; « ère moderne » ; immanquable » ; « on » ; « explique » ; « pourquoi ». Y’a pas à dire, Born Ruffians ça allait être chanmé. 

A la lecture de l’article, je me suis dis : « Ah ouais, t’as eu un flair de ouf d’avoir pris ta place pour le concert du 3 décembre à La Maroquinerie (Paris). Pfiou, encore un must see, j’en bande rien que d’y penser ». Les jours suivants, les requêtes pour l’achat de place sur divers forums se multiplient. Là je regarde mon pauvre bout de papier et je me dis « quel flair, quel flair ». Après tout, les Inrocks peuvent pas se tromper. Une rédaction qui classe l’album de Charlotte Gainsbourg devant Merriweather Post Pavilion d’Animal Collective ne peut être qu’un sommet de trustability

Sauf que. En tout objectivité, le concert de Born Ruffians, sans être mauvais, était tout sauf immanquable. Dire que jai raté un épisode de Qui veut épouser mon fils pour ça...


Luke LaLonde, chanteur de Born Ruffians.


Ce post n'est PAS une review du concert (j'aime varier les plaisirs). J’ai passé un bon moment, l’ambiance était au top (note du rédacteur : quand j’évoque l’ambiance et le « c’était sympa hein ? » avant la musique pour parler d’un concert, c’est rarement bon signe), Born Ruffians a des morceaux bien sentis. Rythmiquement, je trouve ça assez audacieux, bien qu’un peu brouillon. Mais surtout, et ça c’est personnel, la voix de Luke LaLonde, aka le chanteur, m’est insupportable à la longue. Criarde, geignarde, ça frôlait le vomitif. Certains kiffent. Moi pas.
En sortant du concert, trois idées me submergèrent : « Guiseppe va-t-il oser la partouze avec ses deux prétendantes plus sa mère aka Marie France ? » ; « Putain demain soir, que regarder : Miss France ou Miss Nationale ? » ; « Les Inrocks ont un souci ».

C’est pas la première fois, mais ce que je reproche aux rédacteurs rock des Inrocks (entre autres – reproches et rédacteurs), c’est leur propension à surestimer des tonnes de groupes sans lendemain. Là, c’est une illustration effarante du phénomène (encore une fois, j’aime bien Born Ruffians, mais « l’un des groupes les plus passionnants de l’ère moderne », for Christ sake not !). Pour info, Burgel n’était pas présent à son « concert immanquable »...
Pour moi, la critique doit permettre de faire le tri, non plus entre le bon et le mauvais (contrairement au sens commun, je ne pense pas que ces notions soient purement subjectives, mais là n’est pas le débat), mais plus à faire découvrir des choses qui méritent de l’être, ou au contraire à pointer les insuffisances d’une œuvre. Ce qui peut aussi susciter l’intérêt.

Là, ça sent la promo à plein nez. Le critique, aussi talentueux soit-il, devient un ersatz, une caricature. Et j’ai l’impression de m’être fait avoir sur la marchandise. Je vous entends : « Ouais bah t’as qu’à pas te fier à la critique ». That’s why ma place était déjà prise avant de lire le papier. J’y serais allé même si l'article était incendiaire. Mais le problème de fond (et qui peut selon moi être généralisable à plein de domaines), c’est qu’on (vous, moi, les mortels, les dieux, les pingouins, whoever). ne parvient plus à faire le tri. Entre le tweet d’un anonyme chinois et une info du New York Times, on ne sait plus à quel saint se vouer. Du coup, ça donne, dans le domaine de la culture : une boulimie de trucs écoutés, de la frustration, des désirs vains, une consommation rapide et inassouvie… Tout ce que je déteste quoi. Tout est bon, il faut tout écouter (« putain mais tu trouves pas que le dernier Kanye West mérite un 10.0 ? T’es trop pas chébran. Hein ? Si je l’ai écouté ? Bah j’ai lu la review de Pitchfork/Slate quoi »). 

Où sont la distinction, le choix, le goût, la hiérarchie, les cœurs battants?

A chacun de se faire son propre avis (critique).

vendredi 3 décembre 2010

The National @ l'Olympia, Paris (23/11/2010)

L’an dernier à la même période, les Grizzly Bear ne faisaient qu’une bouchée de la Cigale. Un an plus tard et avec une virtuosité comparable, leurs compatriotes américains ont franchi avec grâce et succès l’Olympe. Divin. 

C’est l’histoire d’un concert auquel je n’aurais jamais dû assister. Une succession de moments, d’espaces et de situations qui font que oui, The National @ Olympia aurait pu avoir lieu sans moi. Improbable.

Autant le dire tout de suite : The National est un groupe que j’apprécie bien, sans plus. Les albums sont tous bons, sans jamais atteindre cette excellence et cette ambition que je cherche. Mais voilà, c’était the place to be, et je m’en serais arraché les poux de ne pas en être. Evidemment, comme je parle rarement des concerts auxquels je n’ai pas assisté (dans ce cas je ne parle pas, je me maudis), j’étais bien à l’Olympia ce mardi 23 novembre, 19h30. Concert complet depuis des semaines + temps de réaction proche de plusieurs jours = je me retrouve à 18h30 devant la salle pour mendier un billet. Un homme crapuleux contacté sur un forum m’avait promis sa place supplémentaire. « Et tu la revends pas à un mec qui te la prends pour 50 euros hein ? », m’encourrai-je, inquiet. Bah nan, tu penses bien. C’est pas le genre. Arrivé sept minutes en retard, il m’envoie un texto genre « si t’es pas là dans cinq minutes, j’annule tout et je revends [ma] place. J'ai froid. Dépêche-toi ». Une fois sur place, essayant de le joindre, le bonhomme ne répond pas. Un, puis deux, puis trois, jusqu’à sept appels sans réponse. J’ai compris. Hum. Le gars il voulait me la vendre genre 40 euros « parce que faut bien que je me fasse du bénèf quoi ». Le désespoir me guette. Un revendeur (au) black : « Tu cherches une place ? Je te la vends 70 euros ». « Pffff, tu sais même pas qui joue et t’es là à me prendre pour un con ». « Bah si, c’est International ». Mais va te prendre, mec ! L’espoir vient d’une jolie Ecossaise qui m’a revendue sa place au prix d’achat. Deux minutes plus tard, je squatte le deuxième rang de la fosse. On n’est jamais autant content de quelque chose que lorsque cette chose a failli vous passer sous le nez. 

20h30 : prime time. Fidèle à sa ponctualité légendaire, l’Olympia baisse les lumières pour accueillir la joie (inter)nationale du soir. Inutile de dire que l’excitation est palpable. Matt Berninger arrive, verre de blanc à la main, démarche aisée, costume trois pièces stylé. Après une reprise de Dylan (me semble-t-il), ses mecs le rejoignent. Runaway ouvre le show. Départ tout en douceur. On entre dans le vif avec Anyone’s Ghost, single imparable, suivi de Mistaken For Strangers, extraite de leur élancé et gracile album Boxer (2007). Du lourd, tout de suite. Très vite. Bloodbuzz et les musiciens de cuivres font sensas’ et lâchent les fauves. Ca s’enchaîne vite, sans faux rythme. Le son est irréprochable. 

Et puis, une succession de trois titres absolument prodigieuse. Magique, ce concert sera. Fut. La plutôt rare Slow Show enchante par son flegme apparent et sa simplicité enfouillée. Berninger et ses musiciens sont à fond. Lui, surtout, comme habité par ses morceaux. Il ne chante pas. Il interprète. Stupeur générale lorsque la batterie entonne le début de Squalor Victoria, l’un des meilleurs titres du groupe imho. Morceau d’une beauté effarante, d’une puissance volage et troublante. D’une noirceur sublime. Comblé, j’étais, jusqu’à ce que Afraid of Everyone vienne m’arracher des frissons. Ce titre est émotionnellement et musicalement époustouflant.

The National pourrait se contenter d’enchaîner les morceaux comme autant de claques dans la gueule, sans broncher. Mais non. Le groupe s’amuse, échange avec l'auditoire. Les membres se taclent entre eux. Berninger à son guitariste qui blablatait je ne sais plus quoi : « OK, now just shut up ». Ou encore : « You French people don’t use to be so respectful ». The National casse l’image de groupe parfait que certains commentateurs ont voulu leur attribuer : « C'est le plus grand groupe au monde », Bernard Lenoir said. Mais si ce concert fut à ce point grand et inoubliable, c’est parce que ces gars d'Ohio ont prouvé qu’ils étaient loin du perfectionnisme dans lequel ils se sont englués album après album ; aussi bons ceux-ci soient-ils. Leur performance scénique est rêche, brutale, quasi animale. Matt Berninger n’hésite pas à pousser de grands cris, à se rouler par terre comme un enfant ou un lion, on ne sait plus trop. Ou les deux à la fois. D’habitude si discret, le maître de soirée extériorise sa rage dans des échos de voix sidérants, jamais accablants, parfois estomaquants. 

La géniale Fake Empire conclut de la meilleure manière qui soit la première partie du set. On sait que les boys vont revenir. Mais la question est : « comment faire du rappel le point d’orgue d’un concert sans fausse note ?». Le groupe réapparait avec un titre de leur album Sad Songs for Dirty Lovers (2003) : Lucky You. A qui le dis-tu… 

Alors que je pensais avoir atteint le zénith avec l’enchaînement Slow Show/Squalor Victoria/Afraid of Everyone, voilà que Mr November se pointe. Morceau dantesque. Berninger lâche les rênes et se jette dans la fosse, son micro bien accroché, se frayant un passage dans la foule. Les lumières jaillissent, les visages rayonnent. « C’était de l’impro », m’assure le vigile à la fin du concert, hagard face à l’élégante désinvolture de Matt et heureux pour sûr d’avoir pu assister à la performance de Mr Berninger, à qui il a dû tourner le dos pendant la centaine de minutes du show. En 2007, Arcade Fire marquait son concert par un Wake Up scandé live from cette même fosse. Même lieu, même instant chair de poulant. What else ? Terrible Love, assez belle mais trop balbutiante sur High Violet (2010), prend une dimension nouvelle sur scène. Vanderlyle Crybaby Geeks sera le mot de la fin. Berninger et les siens se rapprochent, s’unissent devant la scène pour une version acoustique magique. Matt est au bord des larmes. Je rends les armes.

Seul regret a posteriori : l’absence de Sufjan Stevens, pourtant présent aux côtés du groupe à Londres quelques jours plus tard. Nul doute que le bougre se réserve pour une tournée d’ivresse printanière attendue comme jamais. 

9/10

Runaway
Anyone's Ghost
Mistaken for Strangers
Bloodbuzz
Baby We'll be Fine
Slow Show
Squalor Victoria
Afraid of Everyone
Available
Conversation 16
Sorrow
Apartment Story
Daughters
England
Fake Empire
-----
Lucky You
Mr November
Terrible Love
Vanderlyle Crybaby Geeks


mercredi 1 décembre 2010

Spoon @ Elysée Montmartre, Paris (15/11/2010)

Premier (vrai) post de ce blog. Compte-rendu du concert de Spoon à Paris, le 15 novembre. Article publié sur le site de la revue Magic.

Spoon de passage en France ? On patientait depuis 2005 et leur concert au Zénith de Paris avec Interpol. Cinq ans que les quatre membres originaires d’Austin n’avaient pas foulé les scènes nationales, malgré trois albums sortis depuis. C’est dire si ce concert à l'Élysée Montmartre était attendu, avec en prime un Transference à défendre, septième livraison sortie en janvier. Et une tournée démarrée en début d’année aux States, avec un été à jouer aux côtés d’Arcade Fire. Mais à concert attendu, résultat convenu.

"Was someone here the last time we played in Paris?", lance amusé Britt Daniel, leader de la formation. Dans la salle, personne ne bronche, mais les fans sont là. Venus de loin, pour certains. Quatre Américains, la vingtaine à peine, squattent le premier rang. "We are from Washington DC", lance une fillette joufflue à l’accent prononcé. Avant l’entrée sur scène des quatre Texans, le quintette Eldia présentait le rock français chanté en anglais sous un beau jour, empruntant autant à Liars qu’à Foals, en passant par Sonic Youth. Apparaît ensuite sous une lumière rougeâtre, le chanteur élégiaque Britt Daniel. Il s’avance guitare sous la main, pour entonner seul une ballade inattendue franchement pas désagréable. Rejoint par ses trois acolytes, le groupe démarre en force avec The Underdog, tiré de leur gargantuesque album Ga Ga Ga Ga Ga (2007). Malgré une ligne de synthé atrocement moche et criarde, venue remplacer les cuivres de la version album, le groupe convainc et la foule s’emporte. Et puis ? Plus rien, ou presque. Pendant près d’une heure, Spoon enchaîne les titres à une vitesse effarante. Sans vie ni rage.


Les morceaux de Transference peinent à briller, tant le rythme est morne, les musiciens se contentant de répéter inlassablement les mêmes bases rythmiques. Terne et fâcheux. A l’image de Written In Reverse ou The Mystery Zone. Spoon zappe le meilleur titre de Transference : I Saw A Light. Un risque fou. Le seul de la soirée. Le concert sombre alors dans des moments blafards et peu inspirés. Seule la psychédélique The Ghost Of You Lingers, emmenée par ses accords plaqués au clavier et la voix bidouillée et sublime de Daniel, sort du lot, enjoue et illumine. La palme de l’ennui est attribuée à Rob Pope. Au jeu et à l’expression neurasthéniques du début à la fin, le bassiste est doté d’un anti-charisme déconcertant, proche de celui d’un cactus du Nevada mourant en pleine sécheresse. Et puis soudain, Spoon retrouve des couleurs et sa verve si particulière. Le déclic ? L’enflammé et hyper-efficace Don’t Make Me A Target, tube en puissance. Spoon atteint enfin sa cible et séduit. Le quatuor se lâche, se fait plus rêche. Rhthm & Soul, You Got Yr. Cherry Bomb éclaboussent d’aisance et de grâce : Spoon revient aux fondamentaux, démontrant s’il le fallait la supériorité intrinsèque et mélodique de Ga Ga Ga Ga Ga sur leur dernier opus. Rageant tout de même que pendant les soixante premières minutes du show, Spoon y soit allé avec le dos de la cuillère, laissant le spectateur sur sa faim. 

5.5/10

Impossible Souls est né

Pourquoi écrire ? D’où vient cette envie irrépressible à laquelle des milliers d’internautes succombent chaque jour de vouloir partager une partie de ses goûts, de son quotidien, de ses aventures intérieures ?

Moi, créer un blog ? Jamais de la vie. « C’est pour les égocentriques », « j’ai pas besoin d’une thérapie de ce type » « lâche tes comz wesh tro b1 bizoo jte kif lolz ». Non merci.
 
Et puis, la passion de l’écriture (vaste constellation ombrageuse qui fait naître tous les possibles) et le désir (en aucun cas le besoin, encore moins la nécessité) de partager mes découvertes culturelles (musicales en grande partie, mais pas seulement) a pris le dessus. Rien d’original à cela : des centaines de blogs culturels pullulent sur la Toile. Qu’importe. Si tout ce qu’on faisait était original, nombreux seraient les oisifs. 

Impossible Souls est né de là. Je ne cache pas la référence à Sufjan Stevens, l’une de mes idoles absolues, le « génie américain » célébré par la revue Magic. Mais Impossible Souls, c’est aussi un hommage à toutes ces âmes défricheuses, exploratrices et rêveuses, pour qui la découverte et la curiosité (dans tous les domaines) sont élevées au rang de manière et conception de vivre. 

J’espère, par le biais de ce blog, partager mes coups de cœur et coups de sueur, mais aussi et surtout donner l’envie de découvrir par soi-même, d’aller plus loin que ce que chacun est censé connaître. Le savoir est notre bien commun.

Bonne lecture à tous. 

Impossible Soul.