jeudi 23 mai 2013

Implodes - Recurring Dream


Faut-il se munir d'un manuel d'onirologie et se farcir l’œuvre intégrale de Freud pour aborder ce Recurring Dream ? Aucunement. Connaître la signification d'un rêve qui se répète ne le rendra pas moins obsessionnel. En revanche, il est fort à parier que celui offert ici par les membres d'Implodes sera source de monomanie aigüe. Très franchement, on n'imaginait pas les Américains capables d'un tel happening onirique. Au temps de leur premier album, le croisement entre post-rock brumeux et shoegaze parcimonieux constituait déjà une belle marque de fabrique. Black Heart (2011) ressuscitait le spectre de My Bloody Valentine (le titre Experiental Report était un clin d’œil appuyé à Sometimes). Les Irlandais ayant depuis donné un magnifique signe de vie, il était temps pour Implodes de prendre un envol encore plus éclatant. C'est chose faite avec ce retentissant deuxième album qui, bien que fidèle à la trajectoire amorcée par son aîné, fait un sacré bond en avant entre deux foulées sur les satellites. Le groupe de Chicago fait tout un peu mieux qu'avant : plus ample, plus focalisé et volumineux, et résolument plus beau. A gros coups de réverbe limée dans un flot discontinu de riffs saturés, les guitares s'entremêlent, se brûlent le manche et laissent une image de torture en tête (You Wouldn't Know It). Ce sont précisément ces entre-chocs sonores rompus jusqu'au désespoir (Necronomics) ou préférant la voie de la conquête sonique (Scattered In The Wind, très Pink Floyd dans l'âme) qui insufflent l'impact qui manquait alors à la formation pour briller. La cohésion de ces onze épopées sombres mais jamais noires est assurée par un remarquable effort porté aux ambiances et les empreintes vocales de Matt Jencik et Emily Elhaj (dont l'écrin n'est pas sans rappeler celui de Victoria Legrand de Beach House sur Sleepyheads). Et lorsque l'atmosphère se fait trop oppressante, quand l'implosion semble inévitable, Implodes reprend le large avec des choeurs insaisissables hissés très haut par une guitare scintillante (Prisms And The Nature Of Light). Par sa puissance, son énergie et sa beauté - il suffit d'écouter l'exceptionnelle Ex Mass pour s'en convaincre -, Implodes fait durer le rêve bien après le redouté moment du réveil. 

8/10 

(Kranky-Differ-Ant)



vendredi 17 mai 2013

Cheri Cheri Jaguar @ Le Tigre (7/05/2013)

Un single prévu début juin, un premier EP bouclé et des labels à démarcher. Les Parisiens de Cheri Cheri Jaguar (le bassiste du groupe est un ami) débutent mais l'épreuve du live a déjà été passée avec brio.


Fraîchement débarqué de New York, parti enregistrer le tout premier EP avec les autres Cheri Cheri Jaguar, au Strange Weather Studio, Alex, le bassiste du groupe semble satisfait mais prévient : "On n'a pas prévu de faire des concerts". Malaise. Deux mois plus tard, le groupe se produit pour la toute première fois sur la scène du Tigre Club, à Paris. Le contraire aurait surpris et déçu, tant les titres destinés à sonner "comme dans une cathédrale, mais sous l'eau", semblent taillés pour l'expérience live. Bruts, saillants et passionnés. 

Passionnés, à l'évidence. Un baptême scénique reste souvent délicat à anticiper. Ce gouffre qui sépare l'inconnu de l'instant peut se révéler excitant ou  tout aussi bien paralysant. Autant ne pas tenter de tout contrôler et de s'employer comme s'il n'y aura pas de prochaine fois, car rien ne se passera comme voulu. Les quatre membres de Cheri Cheri Jaguar avaient-ils envisagé de remonter sur scène pour un rappel chaudement réclamé par le public ? Non. Se partager une bouteille d'eau à quatre sous une chaleur étouffante ou omettre de donner le nom de leur groupe durant le concert font aussi parti des aléas d'un soir.

Ce sont ses bribes d'impromptu qui font aussi le charme de ce premier live qui en appellent d'autres. Pendant près de 45 minutes, Sacha (voix), Malik (batterie), Arthur (guitare) et Alex (basse) délivrent un set calibré, sans temps mort. Leurs compositions new wave/shoegaze/rock résolument anglophiles brillent par leur immédiateté et leur fougue. Mais le stress est palpable, d'entrée : la cadence rythmique de RIP en ouverture est hasardeuse et le titre expédié, ne laissant ni le temps ni l'opportunité de l'apprécier. Les bases sont néanmoins solides et font mouche sur la plupart des morceaux : des riffs de guitare bien pensés et étincelants, une belle osmose entre la batterie et la basse... Et toujours, ces titres percutants, sans fioriture ni posture à l'image de l'imparable Walk/Don't Walk au chant fiévrieux et rageux et sa superbe architecture sonore. On sent cette volonté de défaire les morceaux de leur cadre spatio-temporel, pour s'élever et frapper longtemps après leur exécution. On pense alors aux divines escapades de New Order et, plus récemment, de DIIV - d'importantes références dans l'ADN de Cheri Cheri Jaguar. 


En revanche, on n'aurait pas penser à retrouver un gros tube de la pop des 90's revisité à la sauce rock. Le groupe l'a fait pour nous et déballe Wannabe des Spice Girls. Hommage ? Clin d’œil crypto-post-ironico-moderne ? D'abord surprise, l'audience s'emballe au rythme de cette surprenante reprise, très lointaine de l'originale. Pourquoi pas.

Difficile également de rester indifférent face à la performance offerte par Sacha. Hypnotique et ténébreux, le chant de la caution féminine du groupe frappe par sa singularité, sa profondeur. Et sa férocité digne d'une PJ Harvey, période Rid of Me (1993). A à peine 20 ans, c'est assez couillu et impressionnant. L'interprétation est très en-dedans, habitée voire en état de transe par moments. Une attitude qui tranche avec la réserve affichée entre les morceaux. Il n'y aura pas eu de discours, de blagues, de déclaration d'amour pour les Modern Talking. Mais une honnêteté salutaire et une bravoure à faire valoir leur musique. C'est déjà beaucoup. 


Site : http://www.chericherijaguar.com/
Fanpage : https://www.facebook.com/chericherijaguar

-> DJ set le 26/06 au Sans Souci.