vendredi 27 avril 2012

Sleepy Sun - Spine Hits (2012)




San Francisco, ses plages, ses étés, la fin des années 1960. Nous n'y étions pas, mais c'est tout comme. Ca sent bon le psychédélisme, style un peu fascinant dont on ne compte plus les tenants et les imitateurs. Dès son premier coup, Embrace (2009), Sleepy Sun s'est directement imposé comme un adepte du genre. Histoire d'en rajouter un peu, le groupe récidive à peine un an plus tard sur Fever (2010) qui convoquait Led Zeppelin et Black Sabbath sans craindre quoi que ce soit. Depuis, la chanteuse Rachel Fannan a lâché ses compagnons de route. A ce départ près, le chemin est repris là où ils s'étaient arrêtés. Les cinq Californiens ont tout même mis un coup de frein sur le revival psychédélique qu'ils chérissait tant, même si les fondamentaux demeurent. Les guitares déployées à tout va imposent une rythmique rugueuse (Yellow End), accompagnées par moments d'une batterie dans une échappée blues séduisante à défaut d'être surprenante (V.O.G.). Car c'est bien sur ce point que Sleepy Sun peine à convaincre : truffé d'influences, tombant trop souvent dans la démonstration, Spine Hits n'inflige à aucun moment la claque désirée, de par une production de Dave Catching un peu brouillonne qui, à trop vouloir faire ressurgir cet esprit sixties si particulier, finit par l'enterrer pour de bon. 

3.5/10

(ATP Recordings/La Baleine)

Beth Jeans Houghton - Yours Truly, Cellophane Nose (2012)




Deux corps de femmes nues avec une tête de lion qui rugit de toutes ses forces, en parfaite symétrie. L'image intrigue autant qu'elle questionne. Faut-il voir dans cette illustration d'album un message caché, un portrait mythologique et félin de Beth Jeans Houghton ? On se gardera bien de répondre. La toute jeune Anglaise originaire de Newcastle s'est faite remarquer grâce à l'EP Hot Toast (2009), enregistré avec Mike Lindsay, membre de Tunng. Et puis ? Accompagnée de son groupe The Hooves of Destiny, la griffe de Beth Jeans Houghton s'impose de façon remarquable sur ce premier LP. Dans cette pop tour à tour féerique, élégante et jamais fanfaronne, l'Anglaise refuse toute concession et s'amuse de ce côté joliment désuet qui lui va si bien. La rythmique élancée à trois temps de Carousel et son violon propret envoient valser l'auditeur au beau milieu d'un bal de cour du temps d'une Marie-Antoinette moderne et délurée.

Yours Truly, Cellophane Nose traverse les époques grâce à une production raffinée, pilotée par Ben Hillier qui a également assuré celle de Think Tank (2003) de Blur. Humble Digs démarre avec un banjo élancé auquel viennent se greffer de soyeuses cordes et un choeur qui explose, ainsi que ce piano inquiétant qui finit de distiller une touche cinématographique à l'ensemble. A l'imagination éclatante, l'artiste mène la barque avec beaucoup de maîtrise et ce qu'il faut de douceur pour ne pas s'empêtrer dans un impossible tourbillon. Atlas et sa rythmique diablement efficace se pose en tube enivrant ("Red wine and whisky are not good for me"). Là où le disque aurait pu irriter par des passages trop emphatiques, Beth Jean Houghton répond par cette voix blanche et  incantatoire (à la délicatesse infinie sur la balade The Barely Skinny Bone Tree), proche de la géniale St. Vincent, et l'équilibre trouvé avec son groupe. De quoi rugir d'enthousiasme pour un sacré moment encore. 

7.5/10

(Mute/Naïve)

Morning Parade - Morning Parade (2012)




Pour un groupe, il y a plus ou moins deux itinéraires pour se faire connaître en live : écumer les petites salles devant une poignée de curieux ou faire chauffer les grandes scènes aux côtés de grosses pointures, bien avant d'avoir eu à prouver quoi que ce soit, le plus souvent. Un peu comme la pêche aux parrainages en pleine course présidentielle. Pour Morning Parade, tout s'est décidé l'été dernier à Moscou, jouant en première partie de Biffy Clyro à Moscou, suivi d'une prestation scénique de même ampleur à Londres. Le passage en studio pour donner corps à leur premier album semble avoir été une formalité, malgré des mois et des mois enfermés pour produire toujours plus de titres. Malheureusement, on peine à trouver au quintet britannique une quelconque authenticité sonore. Aucun mélange de styles n'est ici recherché, encore moins la volonté de surprendre. Steve Sparrow et ses gars s'essaient à de petites touches électroniques (Carousel) trop rapidement submergées par une rythmique pompiériste, à base de guitares et d'une batterie surexcitée (Under The Stars, rencontre improbable entre Muse et Kasabian). 

Dans cette surenchère bonne à faire trembler les stades (Us & Ourselves ou encore la très poussive Born Alone) mais incapable de faire hérisser un poil, quelques passages plus épurés parviennent à séduire, construits sur une guitare et une voix à la sobriété bienvenue (Half Litre Bottle). Mais au final, Morning Parade ne montre guère plus que la formule déjà employée sur l'EP Under The Stars (2011), si ce n'est une curieuse impression de n'avoir rien à dire. Après un seul et unique album, c'est inquiétant. 

2/10

(Parlophone/EMI)

samedi 21 avril 2012

Milagres - Glowing Mouth (2011)




Le parcours de Milagres ressemble à une ascension manquée. Son meneur, Kyle Wilson, est parti escalader un sommet dans l'ouest canadien, en 2009. Il chute et se retrouve plusieurs mois à l'hôpital. Forcément marqué par cet accident, le groupe formé à Brooklyn publie l'année suivante Seven Summits, dévoilant un bel attirail de compositions solides et boisées (Outside, Moose Collision). On s'empresse alors d'écouter ce nouvel album qui pourrait faire prendre à Milagres du galon à pleine vitesse. Le résultat n'est pas aussi probant. Vocalement, Kyle Wilson fait constamment le grand écart. Entre falsetto semblable à celui de Hayden Thorpe (Wild Beasts) et voix plus sinistre, le chanteur frôle la caricature et s'embourbe dans une posture trop théâtrale pour être touchante. 

C'est flagrant sur Glowing Mouth, titre à l'instrumentation brouillonne sur lequel les envolées lyriques finales sont désopilantes. Taisons l'existence de Lost In The Dark, morceau à la rythmique tout sauf entraînante que même Coldplay jugerait indéfendable. Tout manque un peu de mesure et d'équilibre. La discrète guitare sur Moon On The Sea's Gate est plombée par des cordes et un piano pesants, alors que la ligne de chant inutilement grave rajoute une dose de dramaturgie. Milagres parvient tout de même à offrir quelques beaux moments, à l'image de l'énergique et bien ficelée Halfway ou encore Fright Of Thee. Bien peu pour atteindre le sommet. 

4/10

(Memphis Industries/PIAS)