Tentez le matin. Oubliez le réveil
assourdissant qui rappelle aux obligations paralysantes de la vraie
vie. Eteignez la voix de Patrick Cohen sur Inter qui applaudit ses
invités, aussi valeureux soient-ils. Et remerciez cette personne qui
a partagé cette nuit furtive mais incandescente, voire
insignifiante, partie avant que la crise de le syndrome lacrymal du
¨Mais pourquoi ça n'arrive qu'à
moi ?¨ guette. Si Solo
Piano (2005)
constituait un allié cérébral pour une fuite nocturne
tourbillonnante, ce nouvel opus de Chilly Gonzales s'inscrit en
remarquable reflet musical. Deux hémisphères, un piano. Une
ambiance, deux temporalités. Aucune voix, les voies du beau. D'une
précision chirurgicale et un brin inquiétante, l'art du maître
rappelle les grands compositeurs du XIXe siècle (Erik Satie). Il n'est pas ici
question de comparaison mais d'héritage, tant la grâce et la
volupté ne font pas grand bruit dans les productions actuelles. Ne
cherchez pas un tube terrassant ou un titre qui mettrait deux
politiques d'accord (l'automnal Solo
Piano avait cet atout
avec Gogol et
Manifesto).
Ce bijou sonore s'écoute d'une traite et c'est ce qui en fait toute
sa dextérité. Si par moments, l’œil pourrait se refermer à
l'écoute des monotones Epigram
in E ou La Bulle de
par un académisme trop forcé, le corps atteint son paroxysme
d'hédonisme au fil de Nero's
Nocturne et
Evolving Doors.
C'est tout de même de Gonzales que l'on parle là, capable de donner
la chair de poule en deux accords sans anicroche. D'une harmonie
faramineuse, un manque de flamboyance empreinte sur son effort de
2005 fait ici cruellement défaut. L'émotion est moins palpable,
charnelle, dévastatrice. Mais elle est là. Disons que le monsieur
ne s'est pas tout à fait remis de son pharaonique concert de 27 heures et 300 chansons inscrit aux Guiness Book Records s'il vous plaît.
Mais cette délicatesse mélodiques fait de ce Solo
Piano II une
œuvre aux beaux contours. Tandis que sa chère Leslie Feist
illuminait notre cœur avec l'implacable Metals
(2011), Chilly est plus carnivore. Et les deux se lovent à merveille
dans une étreinte et une bonne humeur matinales qui dansent à
l'unisson.
8/10
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