lundi 28 avril 2014

Tiny Ruins - Brightly Painted One (2014)


Et si Hollie Fullbrook n’avait-elle jamais composé qu’une seule et même chanson ? Ils pullulent ceux qui se targuent de sans cesse vouloir se renouveler, quitte à se perde. Preuve tangible d’un manque criant de signature artistique ou volonté de se surpasser ? Le groupe des « on va bientôt écrire le tube que personne n’a jamais osé imaginer » oublie un peu trop vite toutes leurs tentatives échouées. Il ne faut point forcer le courant, de peur de voir jaillir un magma bien plus dangereux. Tiny Ruins, à mille lieues des tendances actuelles, poursuit depuis 2012 et la sortie de son premier opus, Some Were Meant For Sea, son petit parcours de santé. Leur credo ? Pour se faire entendre, nul besoin de faire grand bruit. Une folk délicate et poussiéreuse caresse les dix compositions de ce nouvel album, joliment anachronique. C’est simple : les variations sont tellement minimes et la qualité frappe à une cadence quasi métronomique que l’oscilloscope ne fonctionne que pour capter les variations du coeur. La voix si chaude et raffinée de cette Anglaise élevée en Nouvelle-Zélande irrigue toutes les compositions et porte en elle une sérénité absolue. Si cette guitare sèche tient les titres d’une main de fer, elle n’est jamais aussi pénétrante que lorsqu’elle laisse ce violoncelle ou cette fine batterie lui filer un coup de main. Me At The Museum, You In The Wintergardens frôle la perfection. L’ajout instrumental qui survient au beau milieu du morceau fait pleurer le coeur. Ca ne dure que trois secondes, ça n’en demeure pas moins beau à jamais. Si la quête de la vérité n’a jamais intéressé musiciens ni mélomanes, pareille pudeur et confiance dans la pureté du geste a quelque chose d’insaisissable (Carriages). Sans jamais impressionner ni faire frémir le monde, Brightly Painted One a tous les contours d’une aquarelle lumineuse et rassurante - la pochette du disque ressemble à une oeuvre de Joan Miró -, sur laquelle le regard et l’espoir de la vie se pose bien volontiers, jusqu’au prochain coup d’éclat. Qui, gageons-le, ne saurait trop tarder. 

8/10


(Bella Union/PIAS Cooperative)

vendredi 11 avril 2014

Bombay Bicycle Club - So Long, See You Tomorrow (2014)


Si long, vraiment ? A moins de considérer les trois ans qui séparent ce nouveau disque de son prédécesseur comme une éternité. Surtout après trois albums sortis entre 2009 et 2011. Un tel calibrage programmatique a de quoi créer la suspicion. Cela étant, force est d'admettre qu'en trois ans, les Anglais n'ont rien perdu de leur capacité à aligner les tirs debout. Ca dégaine vite et ça vise juste. L'allure à laquelle les dix pépites de So Long, See You Tomorrow se dévoilent et s'imposent d'elles-même fait sauter la notion temporelle en éclats. Désarmant de facilité et d'agilité rythmique, ce quatrième LP ne rompt pas avec ses aînés : il propose juste tout en un peu mieux. Plus soigné, mieux produit (par le leader du groupe Jack Steadman lui-même) et bien plus consistant. Aux écoutes initiales, on reste coi devant ces morceaux imparables qui frôlent le délit d'insolence. Et l'on craint le syndrome Two Door Cinema Club : être séduit par ce qu'on entend, en oubliant d'écouter. Puis oublier, tout court. Un écueil brillamment évité ici, semble toute grâce aux maintes influences et cultures qui irriguent cette musique, composée entre le Royaume-Uni, la Turquie, avec une escale aux Pays-Bas. Empruntant volontiers à la synth pop de Yeasayer (Carry Me) sans pour autant rougir d'une tonalité lyrico-romantique (Eyes Off You), les quatre gars de Bombay Bicycle Club, qui ne dépassent pas les 24 ans, se fichent bien d'afficher une maturité qu'ils n'ont pas tout à fait. La liberté fringante et insouciante, avec les quelques dérapages incontrôlés qu'elle suppose, leur sied bien mieux. A l'image de ces sonorités orientales (un sample d'un film de Bollywood), d'un clavier entêtant et d'un credo (« Just one feeling ») répété à l'envi, qui suffisent à élever le titre Feel au rang de bravoure pop pleine d'audace et de joie cathartique. L'équilibre ici atteint, entre les contraintes FM et l'exigence d'une composition raffinée, devrait inspirer plus d'un club en roue libre à venir. 

8.5/10

(Caroline/Universal)