lundi 19 septembre 2011

Kasabian - Velociraptor! (2011)



Un jour, il faudrait songer à mettre au point une avancée chirurgicale conçue pour des mecs comme Tom Meighan. Une de celles qui l'autoriserait à chanter - le bougre n'a pas à rougir là-dessus - mais stopperait net toute autre élucubration orale. Car teaser sur une radio britannique que Velociraptor! représente ni plus ni moins "le futur" - prédictions courantes chez le meneur du groupe - a de quoi faire fuir. 

Abstraction faite de cette pichenette peu avenante, force est de constater que Velociraptor! est costaud. L'album démarre sagement, avec des compositions très écrites et fluides, loin des gros tubes calibrés qui firent leur gloire (Empire, Shoot the Runer). Goodbye Kiss ressemble sans détour à un titre d'Oasis, de la mélodie nonchalante jusqu'aux cordes un peu inutiles. Même refrain sur La Fée Verte mais en mieux, tandis que l'inaugurale Let's Roll Just Like We Used To, avec ses cordes rappelant The Last Shadow Puppets et son swing fringant, frôle l'excellence. 

Démarre alors un tout autre album, où les sonorités se font plus explosives voire tapageuses. Quand Kasabian se met à singer Offspring ou Muse, ça donne la désolante Velociraptor!. Un carnage. Mais quand Kasabian met à profit son énorme potentiel et prend des risques, jaillit l'époustouflante Acid Turkish Bath (Shelter From the Storm). Et que dire de Switchblade Smiles avec son beat tonitruant et son côté rentre-dedans désarticulé ? Se taire, et savourer. Mais, tantôt passable, tantôt phénoménal, claudiquant sans cesse entre expérimentations sonores et morceaux inodores, il manque un peu de constance à ce Velociraptor! pour faire croire à un futur vraiment "dévastator".

7/10

(Columbia/Sony Music)

lundi 12 septembre 2011

Cymbals Eat Guitars - Lenses Alien (2011)


En 2009, Cymbals Eat Guitars nous en collait une bonne : 'Why There Are Mountains' ? La réponse est donnée dans le premier album du groupe : pour multiplier ses perspectives, se détruire le corps d'efforts, mais surtout pour le plaisir de les réduire en fumée. L'urgent Why There Are Mountains (2009) éclatait en pleine face, dans tous les sens possibles. Le jeune quatuor de Staten Island laissait sa griffe par un son très influencé mais non moins ébouriffant. 

Lenses Alien est venu, le moment de la reconstruction aussi. Pas question de perdre du relief, non, mais canaliser l'énergie, pour éviter de s'écrouler prématurément dès l'étape du deuxième album, devient nécessaire. Sans rien perdre de sa superbe au niveau des instrumentations complexes et narratives, le quatuor a réduit son champ de vision. Et vise plus juste. La voix de Joseph d'Agostino, beau timbre désinvolte et juvénile, évite l'éparpillement. Sonic Youth rôde fréquemment, en particulier sur  Keep Me Waiting et Another Tunguska. Les deux groupes sont d'ailleurs produits par John Agnello. L'ouverture Rifle Eyesight, du haut de ces huit minutes, est une brillante symbiose entre les cymbales entêtantes de Matthew Miller, un clavier discret mais bien fichu et les dévastatrices guitares, au paroxysme de leurs capacités sonore et émotionnelle. Un sommet.

Si Lenses Alien atteint l'alchimie, c'est grâce à cet équilibre, à cette constante sensation de rupture non avertie. La délicieuse nonchalance de Shore Points (sous ses faux airs de MGMT) et la vibrante énergie déployée sur Secret Family résument le tour de force de cet album : associer un étoffé travail de composition, fait de variations, à une brumeuse intensité rythmique. De la surgit non plus la force d'anéantissement mais la faculté de création. 

8/10

(Memphis Industries/PIAS)

mercredi 7 septembre 2011

Le rayon de Sóley


Sóley Stefánsdóttir n'est pas vraiment une inconnue. A 24 ans, cette Islandaise au visage de poupée s'est faite connaître au sein du collectif Sin Fang (ex-Seabear). Et puis, le grand saut en solo, avec l'EP Theater Island (2010). A quelques jours du début de sa tournée, on l'a rencontrée dans un bar branché de Reykjavík. 30 minutes de retard, mais qu'importe : son sourire enfantin et son charme l'excusent sans mal. Sóley nous parle de ses amours musicales, de poésie et de son premier LP, We Sink, qu'elle défendra à la Flèche d'or, à Paris, vendredi 9 septembre.



Tu t'apprêtes à partir en tournée dans toute l'Europe. Comment tu te sens ?

Bien, très excitée. Je vais faire la première partie de Sin Fang avec mes propres chansons. Je joue aussi du clavier au sein de son groupe.

Pourquoi avoir décidé de mener une carrière solo en parallèle ?

Je ne l'ai pas vraiment choisi. Mon label m'a proposé de composer des chansons et six mois plus tard je sortais mon EP, Theater Island. C'est arrivé un peu par hasard. 

D'où te vient ce goût de la musique ? 

J'en écoute depuis l'âge de 4 ans. A 8 ans, j'ai commencé le piano et plus tard j'ai intégré une école de musique. Mais j'ai toujours été très timide. Au départ, quand je devais chanter sur certains morceaux de Sin Fang, je n'osais pas me mettre en avant, même si c'est agréable de s'entendre, oui.

Ta voix est très spéciale…

Je n'ai jamais pris de cours. D'un point de vue technique, je ne sais pas chanter !  En revanche, je n'ai jamais arrêté de jouer du piano. C'est l'instrument majeur sur l'album. Le piano est mon meilleur ami. C'est assez étrange car je me souviens qu'avant, je voulais jouer de la trompette. 

Qui t'accompagne sur l'album ?

Il y a Jon Oskar qui joue de la batterie et j'ai aussi un bassiste, Simon Nykjaer, qui est Danois. Mais sur scène je ne suis qu'avec Jon. Les morceaux sonnent donc plus épurés sur scène que sur l'album. J'aime beaucoup réarranger mes morceaux, rajouter des loops, des voix, des percussions…  J'essaie d'incorporer ces éléments en live même si c'est assez périlleux. 

Comme beaucoup de groupes ou artistes islandais, tu choisis l'anglais pour t'exprimer. 

Je n'ai pas vraiment d'explication, mais en ce qui me concerne, quand j'essaie d'écrire mes textes en islandais, quelque chose ne colle pas. Je connais trop de mots, trop d'expressions… En anglais, c'est plus simple, plus direct car mon vocabulaire est moins riche. J'ai commencé comme ça. Maintenant, ça ne me déplairait pas de composer en islandais. Je m'inspire beaucoup de la poésie, j'en écris aussi.

Cela explique peut-être pourquoi on retrouve beaucoup de métaphores dans tes textes. 

Quand j'écris, des dessins animés défilent dans ma tête, des histoires un peu étranges, et les gens qui écoutent mes chansons y voient sûrement autre chose. Ca me plaît. Je ne dis pas "ça c'est comme ça". Des gens m'ont confié ce à quoi ils pensent quand ils écoutent mes chansons de l'EP, et personne ne pense à la même chose. Mais je présume que beaucoup ne comprennent rien à mes textes (rires). 

C'est différent pour toi de jouer en Islande ou à l'étranger ?

C'est plus stressant en Islande, car il y a mes amis, ma famille, et tout le monde se connaît ici. En tournée à l'étranger, c'est un peu comme travailler dans un supermarché, assez mécanique. Mais j'aime ça. 

La question est clichée mais est-ce que tu as des influences particulières ? 

Bien sûr. Il y a cet auteur islandais, Davíð Stefánsson, aux poèmes sombres, horribles. Il guérit toutes mes pannes d'inspiration. J'écoute aussi beaucoup Joanna Newsom. Ses paroles sont excellentes, avec plein de détails. J'apprécie beaucoup tUnE-yArDs et Fleetwood Mac également.

Et Cocorosie ? Certaines de tes chansons me font penser à elles. 

Oui, les chansons bizarres ! 

Notamment sur la fin de l'album. Le début est plus tourné vers le songwriting, ensuite ça devient beaucoup plus sombre, plus cinématographique.

Ca a été difficile d'ordonner les chansons. Quand j'ai fini l'album, je ne pouvais plus l'écouter. Je commence à l'apprécier à nouveau. Mais c'est assez terrifiant de s'entendre constamment. 





Infos

- 9/09 : Soley + Sin Fang + We Were Ever Green @ Flèche d'or, Paris 20e. 20 h.
- Album We Sink (Morr Music/La Baleine) - septembre 2011.