mardi 21 décembre 2010

Top Albums 2010 (10 -> 4)


10. Syd Matters - Brotherocean
Groupe français qui chante en anglais et que je suis depuis leurs débuts (2004-2005), Syd Matters s'est d'abord fait connaître par l'immodestie de ses influences : Radiohead, Nick Drake, Robert Wyatt... Mêlant folk, rock et électro, le groupe a peu à peu délaissé cette troisième composante pour rendre sa musique plus homogène et lisible. Brotherocean s'inscrit dans la pure lignée des précédents albums ; il n'en garde pas moins un petit truc qui fait toute sa différence. Ce qui séduit ici, c'est surtout le travail remarquable sur les voix : choeurs, chant/écho/contre-chant, harmonies, arpèges vocaux... La voix de sieur Jonathan Morali n'est pas étrangère à ce travail d'orfèvre. Mais là, tous les membres du groupes ont mis la voix à la ouatte.

C'est souvent le cas, mais c'est encore plus le cas pour Syd Matters : le talent du groupe explose en live. Les instrus se font beaucoup plus complexes, le son est  non pas plus travaillé, mais plus risqué et aventureux. C'est la marque des grands groupes (et sur ce point je les rapproche de The National) : séduire sur album, conquérir sur scène, faire jouir anyhow

A écouter en priorité : Hi Life, We Are Invisible, I Might Float.


9. CocoRosie - Grey Oceans
N'étant pas spécialement fan des soeurs Casady jusqu'ici, cette #9 est une surprise. Après un précédent album mou du genou, Grey Oceans opère un virage radical. Radical, oui et non. Les voix si particulières, les arrangements de porcelaine, les sonorités exaspérantes sont toujours là. Mais sont décuplés. Ce qui donne un album radicalement réussi. Alternant balades doucereuses (Grey Oceans) et choppes électro sidérantes (Fairy Paradise), ce quatrième album est une bombe, qui n'a pas fait l'unanimité, loin s'en faut. J'ai d'ailleurs commencé à apprécier le disque des mois après sa sortie. La gestation a parfois du bon. A écouter occasionnellement, car l'originalité et le parti-pris adopté par CocoRosie sont à double tranchant. 

A écouter en priorité : Grey Oceans, Lemonade, Fairy Paradise.


8. Arcade Fire - The Suburbs
Tout ou presque a été écrit sur Arcade Fire. Un groupe génial. Un grand groupe. Très grand. Problème : ils sont à la limite du terrestre et de l'universel. Terrain d'atterrissage : les stades. Arcade Fire serait en passe de devenir le U2  2010's.

Sauf qu'il y a encore un espoir. Même en produisant son album le moins exceptionnel (formule bien alambiquée pour dire le plus à chier), ils se hissent à la 8e place. Pas volée, certes. Mais quand son premier album s'appelle Funeral et que c'est l'album de la décennie, y'a de quoi péter un câble. Neon Bible n'arrivait pas à la cheville de Funeral, il n'en était pas moins excellent car différent. The Suburbs est encore une fois différent, sans être étourdissant ni vraiment troublant. Déjà, il est bien trop long : plus d'une heure pour un album de folk pop, c'est trop. Ensuite, il comporte des titres qui plombent tout : Half Ligh II, Sprawl I, Month of May sont chiantes comme une diarrhée automnale. A côté de ça, Arcade Fire parvient toujours à lancer de véritables bombes sonores : Ready to Start, Suburban War, We Used to Wait ou Sprawl II, pour ne citer qu'elles. Ce qui donne un album claudiquant, terriblement consensuel et casual (pas étonnant qu'ils aient atteint le #1 du Billboard US...), mais aussi extrêmement soigné, généreux, et régénérateur. La où Arcade Fire perd en furie et spontanéité, il en gagne en profondeur et sérénité. 

A noter que les textes sont splendides et le leitmotiv très intéressant (les banlieues, le "je-ne-suis-à-ma-place-nulle-part"). Ce n'est pas la musique qui sauvera Arcade Fire du pompiérisme U2ien, mais bel et bien sa capacité à délivrer des bombes textuelles pénétrantes.     

A écouter en priorité : Ready to Start, Empty Room, Sprawl II.


7. Joanna Newsom - Have One On Me
Dans le genre radical chic, celle-là est pas mal non plus. Après son merveilleux album Ys (2006), composé de cinq titres allant de 6 à une vingtaine de minutes, je pensais que Joanna Newsom allait revenir à un format plus conventionnel, n'ayant plus à prouver sa soif de démesure (et d'excellence). C'était bien mal la connaître. Have One On Me fait encore plus fort : triple album, durée moyenne d'un morceau: sept minutes, 2h40 de sons majestueux. Autant le dire tout de suite : écouter tout d'une traite ne fera que provoquer une réaction extrême. Il est quasi impossible d'aborder l'album ainsi, et ce n'est d'ailleurs pas le but. On ne fait pas un bon bouquet en cueillant toutes les fleurs de la planète.

Non, il est préférable d'écouter Have One On Me en plusieurs fois. L'album 1 est d'ailleurs le plus accessible (et le plus réussi). Le morceau-titre est un condensé assez génial de dix minutes du talent protéiforme de la surdouée américaine. Instrument de prédilection : la harpe. Ambition : la perfection. Good Intentions Paving Company est le meilleur titre de ces 18 morceaux, et son meilleur titre tout court après l'inénarrable Emily (sur Ys). Assez bizarrement, ce que Newsom a en démesure dans la démarche est équilibré par un remarquable et colossal travail mesuré dans la composition. Voix très particulière (on kiffe ou on vomit)  servie par des arrangements de cordes, de piano, de harpe absolument divins. Mais l'ennui n'est jamais très loin. L'album 2 a de gros moments faibles (il n'y gère qu'In California et Jackrabbits à sauver), et l'album 3 alterne entre le superbe (Soft As Chalk, Ribbon Bows) et le franchement insupportable (Esme, Autumn). Qu'importe, le résultat final séduit, car on peut tout reprocher à Joanna Newsom, mais son implication, son goût pour la musique et la passion qui se dégage de ses performances scéniques (formidable concert à la Villette en mai avec un mini-orchestre du plus bel effet) la hissent, à 28 ans à peine, au rang des plus douées de sa génération.

A écouter en priorité : l'album 1.


6. Deerhunter - Halcyon Digest
Encore un groupe formidable que j'ai découvert sur le tard. Halcyon Digest n'est pas vraiment comparable à ce que Deerhunter a fait auparavant. Beaucoup moins noisy, plus accessible (pour moi l'accessibilité est une grande qualité, en art comme ailleurs) mais tout aussi torturé et beau. Rien à ajouter.
A écouter en priorité : Desire Lines, Earthquake, Helicopter.


5. Owen Pallett - Heartland
Coup de coeur instantané. Violoniste d'Arcade Fire, ex-Final Fantasy, Owen Pallett livre un album dévastateur. Sa voix fragile et lunaire, ses talents de violoniste et ses dons de compositions font de ce Heartland un chef d'œuvre. Débarrassé de lourdeurs et excès irritants (two thousand six-album He Poos Clouds), il irradie par sa facilité désarmante à produire des bijoux et exulte par l'inconséquence de sa mégalomanie. Un disque indispensable à tous les amoureux de violon, de morceaux somptueusement graciles. A tous les amoureux de la bonne musique, quoi. La vidéo qui suit donne une brillante idée du personnage : http://www.youtube.com/watch?v=T7WxTP3ger8

A écouter en priorité : Lewis Takes Off His Shirt, E is for Estranged, Tryst With Mephistopheles.


4. Massive Attack - Heligoland
Le coup de maître de Heligoland, c'est de réussir à traduire la souffrance apocalyptique qui ronge notre monde en offrant une perspective plus noire encore.

A écouter en priorité : Girl I Love You, Flat of the Blade, Atlas Air.

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