Mais où diable ranger Sascha Ring ? Tantôt DJ prolixe, tantôt compositeur sensible, l'Allemand dévore les genres comme autant de conquêtes à son actif. En explorateur permanent, il n'est jamais là où on croit. Et décide, pour ce nouvel opus, de s'exiler à Sayulita, un village mexicain au bord du Pacifique. De retour à Berlin, il change tout et se remet à la charge. Un éternel recommencement.
Le sublime Walls (2007) mettait déjà en lumière les qualités de mélodiste de Sascha Ring. The Devil's Walk, allusion à un poème de Shelley vieux de 200 ans, est de la même trempe. Eblouissant de bout en bout, l'album érige une cathédrale en perpétuelle construction. Des voix cosmiques et sacrées (Sweet Unrest) placent l'oeuvre là où elle doit être : très haut. On les retrouve plus discrètes sur la pop électronique de Song of Los, au charme immédiat. Anja Plaschg, alias Soap & Skin s'invite sur Goodbye, complainte sombre un poil convenue. Mais que dire de ce qui suit ? Le flow dévastateur de Candil de la Calle et ses faisceaux sonores sont à tomber. Et puis ? The Soft Voices Die, vernie d'un léger xylophone, de boucles rythmiques et de somptueuses cordes, touche comme rarement Apparat l'a fait jusque là. Une démonstration. Au jeu de cordes remarquable, la frénétique Ash Black Veil n'est pas en reste, rappelant les contrées solistes d'un Thom Yorke.
D'une maîtrise implacable, lunaire et troublant, The Devil's Walk s'achève (et achève) avec Your House is My World, morceau d'une dextérité et d'une profondeur époustouflantes. Apparat, muni d'un ukulélé (oui), se meut en tisseur de toile d'un autre temps. Car quelle que soit la marche suivie par ce diable-là, sa destination finale importe peu. Le voyage se suffit à lui-même tant il permet de s'arracher, le temps d'un songe, à cette satanée destinée qui nous unit.
9/10
(Mute/Naive)
En concert à la Gaîté lyrique le 12 octobre (Paris).
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