Il eût été
bien simple et paresseux de cloisonner la musique de Jon Porras sous
le label post-rock atmosphérique. Terminologie ô combien galvaudée
et vide de sens, qui fait abstraction du visuel que nous donne à
contempler l'artiste, dans sa quête insatiable de beauté
mélancolique. Car Black Mesa se pose en bande-son d'un film
fait de séquences floues et sombres, qu'on aperçoit d'ailleurs,
pilotées par Paul Clipson lors des odyssées live de Porras. Il
s'avère plus épineux de poser des images sur une bande-son que
l'inverse. Car une image amène forcément un son, souvent silencieux
d'ailleurs. Mais la musique proposée ici n'offre aucune apparence
visible et lucide. Après un premier LP , Undercurrent (2011),
distribué à 500 exemplaires, la moitié du groupe Barn Owl poursuit
ici son chemin vers des lieux pas sûrs, intrigants donc tentants.
Black Mesa symbolise un pont entre deux mondes distincts que
tout sépare.
Sans doute inspiré par Sandy Bull et Neil Young, Jon
Porras, dans son style orné de guitares lunaires et flamboyantes,
rappelle indubitablement les Canadiens de Godspeed You ! Black
Emperor. Sauf que dans les longues plages sismiques de ces derniers,
Jon Porras s'arrête aux prémisses, aux cinq minutes introductives
et ne s'attaque pas à l'apocalypse. Moins par manque de courage que
la volonté de laisser à l'auditeur contemplant le marasme le libre
choix de sa destinée. Gaîté intense. Black Mesa demeure
indéchiffrable et mystérieux, et délivre cette ambiance poreuse,
tour à tour inquiétante et crépusculaire. Les sept morceaux
s'écoutent d'une traite, comme un film ou un livre bien écrit. Très
structurés, ils débutent par un solo de guitare avant de laisser le
rythme se cristalliser et prendre de l'altitude. Mais à aucun moment
l'explosion du cratère illustrée sur la pochette d'album
n'apparaît. Jon Porras nous laisse alors isolés, désoeuvrés, dans
un désert obscur et poreux où seul l'épais brouillard qui nous
fait face semble tiré d'affaire.
7.5/10
(Thrill Jockey/Differ-Ant)
Je découvre ton blog avec cette chronique, il y a des chances que ça me plaise, je vais aller y jeter une oreille dès que possible :)
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