Ôtons-nous d'un doute fallacieux : le nom de scène choisi par Aleksa Palladino et Devon Church n'a rien à voir avec l'un des plus beaux titres de Radiohead, Exit Music (Ok Computer, 1997) ; eux-mêmes doivent leur patronyme aux Flaming Lips. Ces petits clins d'oeil ont quelque chose d'attendrissant, mais ils en disent long sur le dessein du duo. Le séduisant Devon le confesse sans peine : Kid A de Radiohead, Agaetis Byrjun de Sigur Rós ou encore les productions électroniques chez Warp ont fortifié son esprit artistique et son appétit de sons soniques. La barre est haute et, premier constat, Exitmusic ne surpasse pas les monstres sacrés sus-cités. Deuxième éclat : loin de les pasticher, les deux compères mariés dans la vie parviennent à édifier une cathédrale de sons sombre et habitée. La redite aurait été si aisée, mais la messe n'est pas dite. Après un EP judicieusement intitulé From Silence (2011), Palladino a commencé à composer ses propres chansons depuis ses dix ans et s'octroie sa première guitare à l'âge de douze ans, pour ne plus s'en séparer. Ayant plus ou moins toujours écrit ensemble, la paire commence à prendre forme lorsqu'ils rejoignent Los Angeles. La cité des anges leur sied plus qu'il ne faut et les étiquettes post-punk et trip hop pleuvent avec allégresse. Passage fut enregistré à la Rare Book Room de Brooklyn avec Nicholas Vernhes (Dirty Projectors, Deerhunter). Là où la prouesse est à saluer est dans la faculté de Palladino et Church à se éviter ces raccourcis peu laudateurs au final, pour donner libre cours à la création de leur propre identité. Torturée et rêche, la voix d'Aleksa est le palindrome inverse de celle de Valérie Legrand (Beach House), céleste et unique. Mais les deux formations se rejoignent dans leur capacité à mettre sur pied une fusée qui fonce tout droit vers la plus belle des galaxies et à ériger le piano et les guitares en oeuvres d'art. Une analyse titre par titre serait dispendieuse et malhabile : on ne démonte pas les pièces d'un bolide si on veut qu'il nous mène à bon port. Faisons tout de même la lumière sur quelques morceaux de bravoure, comme justement le très Beach House The Night, White Noise l'étincelant et l'ultime Sparks of Night, pour ne citer qu'eux. L'appellation des titres contiennent à eux seuls toute la singularité ici remarquée : ville, nuit, lumière et étoiles. Au-delà des astres se trouve l'issue de secours : la sortie de la musique et l'entrée dans le monde du silence sacré.
8.5/10
(Secretly Canadian/Differ-Ant)
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