lundi 17 décembre 2012

Top Albums 2012 (10 -> 2)

Dans une année normalement constituée, sans fin du monde, sans enfants tués ni fous à lier, chacun de ces albums aurait fini en haut du podium. La musique est insaisissable, et elle le restera. Le PSY coréen n'a pas encore réussi à franchir la barre astronomique du milliard de brebis sur le YouTube, les Spice Girls présentent une comédie musicale à Londres et Birdy continue de faire sa pétasse en s'accaparant l'une des plus belles chansons folk des dernières années. Sinon, tout va bien. Il y aura toujours des disques, tant qu'il y aura des gens pour les écouter. Il y aura toujours des cons pour ne pas les apprécier, mais ça c'est leur problème. Le marché des concerts est plus instable, contrairement à ce que tous les magnats veulent nous faire croire. J'y reviendrai, en 2013. Retenons pour l'instant ces dix disques, différents, prégnants, salvateurs. Ce sont le travail  de ces artistes qu'il faut louer, pas les magazines ni les gens qui vous les présentent. 


#10 David Byrne & St. Vincent 
Love This Giant


L'un, leader charismatique de Talking Heads, n'a plus sa réputation à faire. L'autre, grande musicienne qui n'a pas encore le succès qu'elle mérite, est prête à toutes les aventures. Sur le papier, la collaboration prêtait à la surprise, à l'audace. Sur disque, c'est en réalité tout sauf une surprise. C'est un incroyable pari plus que réussi. Love This Giant a la texture d'un objet rare et les contours d'une merveille pastel terriblement classe. Des compositions jazzy, sensuelles et osées, ne cédant jamais à la facilité sans non plus tomber dans la démonstration absconse. David Byrne et Annie Clark livrent un album hors-norme, peut-être l'un des plus risqués de l'année, mais diablement malin et honnête. Injustement boudé par la critique, Love This Giant est une oeuvre pas évidente, saisissante, qui appelle au respect. Une suite bientôt ? 

#9 Tame Impala 
Lonerism


On connaissait le potentiel des Australiens, leur sens de la punchline auditive, leur attitude fièrement crâneuse. Innerspeaker (2010), leur premier effort, montrait tout cela à la fois. On était pourtant à des années-lumière d'imaginer que Lonerism pouvait se révéler aussi impactant et nécessaire. Lorgnant sans rougir du coté du meilleur des années 1970, le groupe livre un album quasiment parfait, brut. Les claviers, au service d'un psychédélisme ardent, confinent aux réceptacles sacrés, tandis que les aguicheuses guitares ne semblent jamais trop en faire. Même si tous les titres sont des tubes immédiats (Elephant en tête), l'album n'est, loin s'en faut, sans liant ni cohérence. Avec Tame Impala et Jonathan Boulet, l'Australie marque au fer rouge les belles lettres de la musique indie.

#8 Patrick Watson 
Adventures In Your Own Backyard


Patrick Watson est incroyable. Son apport au Cinematic Orchestra est colossal, ses disques solos sont des merveilles absolues, le mec est adorable. Que demander de plus ? Là encore, Adventures In Your Own Backyard n'a pas bénéficié de la meilleure promo qui soit, mais qui donne un fuck ? Toujours cristallin et sondant l'imaginaire, Watson n'a pas son pareil pour émouvoir, briller, sans donner à pleurer dans les chaumières. D'une incroyable luminosité, très libre et toujours très inspiré, l'album laisse tout simplement coi, car il est inattaquable. Il vient de Montréal, évidemment.

#7 Chromatics
 Kill For Love


Difficile de passer à côté de Chromatics en 2012. Même si peu connaissent leurs précédents albums, les chroniques de Kill For Love laissaient à croire que tout le monde connaissait les Américains comme personne. Il est de bon ton de les encenser, alors que Night Drive (2007) annonçait déjà la couleur. Mais soyons honnêtes, l'album est renversant. Ruth Radelet et ses amicos ont pourtant une street cred assez dégueulasse : certains trouvent leurs concerts prétentieux et masturbatoires. Sachez aussi que certains sont des cons qui adorent fouetter le dos des soi-disantes impostures du moment. Le groupe est plus simple que beaucoup ne veulent le croire. Kill For Love a mis des années à voir le jour. Sans être parfait (quelques longueurs et redites par-ci par-là), il est, mieux, éblouissant. Rarement un disque n'aura autant mérité l'appellation d'album conceptuel. Conceptuel n'a rien de péjoratif : les 17 morceaux s'assemblent tellement bien, ils dessinent si joliment ce décor nocturne, brumeux, parfois inquiétant mais ô combien suave dans lequel certains titres nous plongent, que son aura est dès lors décuplée. Tuer non par amour, mais pour l'amour. 

#6 Animal Collective 
Centipede Hz


Alors que tout le microcosme s'extasiait (à raison) sur Merriweather Post Pavilion (2009) et beaucoup ont fait la gueule à l'écoute de Centipede Hz. Oui, le groupe véhicule une image équilatérale, de mecs qui n'en ont rien à foutre de leur public et qui écrivent leur partition musicale avec de la sauce samouraï. Emoi. Mais lire de la plume de Jean-Vic Chapuis, dans son édito Voxpop de cet été "Animal Collective sont avachis, répondent à contretemps, ont l'air de s'emmerder. Des robots sur lesquels on aurait appuyé sur le bouton "En promo je ne parle que de ma promo. Bip, bip, bip...", me semble déplacé. L'interview a tout de même été publiée. Coup fatal, puisque Voxpop met la clé sous la porte. Centipede Hz n'est pas le meilleur AnCo, il prouve quand même que les gars ne se laissent pas dicter par l'air du temps. Et en plus, ce sont des crèmes. (Ah et Dave Portner aka Avey Tare prépare un successeur à Down There, mais chut).

#5 Perfume Genius
 Put Your Back N2 It


Mike Hadreas est talentueux, Mike Hadreas est beau garçon, Mike Hadreas a subi violences et agressions sexuelles. Il ne s'en est jamais caché. De quoi horrifier la première victime. Pas lui. Envisager la musique comme une thérapie est sacrément couillu et casse-gueule, quand on sait à quel point livrer une partie de soi devient parfois un acte de bravoure. L'Américain semble toujours à fleur de peau, toujours en décalage. Pour Put Your Back N2 It (vous voulez vraiment une traduction ?), il dit s'inspirer de sa mère et des films pornos. Après un honorable Learning (2010) en guise d'album de carrière, Perfume Genius a semble-t-il très vite après car ce sophomore est une étourdissante démonstration de songwriting. Il y a tellement de lui dans ses chansons, jamais sa sincérité n'est en cause, que ne pas les aimer serait détester une personne que nous n'avons jamais rencontré. Arbitraire. Si Hadreas parvient à lâcher son instrument de prédilection - le piano - pour s'essayer à des sonorités plus troublantes ou exotiques, il pourrait réaliser qu'on n'apprend jamais mieux à savoir qui l'on est lorsqu'on s'oublie un peu. 

#4 Frank Ocean 
 Channel Orange


On pourrait écrire un livre Frank Ocean. Son incroyable ascension. Son étrange parcours. Dans cette tentative de vendre un R'n'Bisme cérébral, Ocean fait office de chevalier parfait. Puisque tous les tops le recensent dans les meilleures productions de l'année (hyper-mérité), n'allons pas en rajouter. Pointons plutôt les quelques faiblesses de Channel Orange. Si Frank le centriste a une capacité à pondre d'exceptionnelles chansons comme Pyramids, Thinkin Bout You ou Bad Religion, je peux pas m'empêcher de penser que tous ces interludes ne servent que de remplissage. Même remarque que pour Janelle Monae (The Archandroid) ou Arcade Fire (sauf que sur The Suburbs, même les "vrais" morceaux étaient du remplissage). Ca n'apporte pas beaucoup de liant, au contraire, ça a tendance à casser un peu le rythme. Que de détails par rapport à l'immense qualité du disque, d'un artiste hors du commun et d'un petit homme plein d'amour. 

#3 Dirty Projectors 
 Swing Lo Magellan



Quel album, quel album. N'étant pas fan de Bitte Orca, leur album de 2009, je n'attendais pas grand chose de Swing Lo Magellan. A dire vrai, je l'ai écouté pour le titre. Et pourtant, c'est un disque comme rarement j'en ai entendu. Frappant de virtuosité. Moins foutraque que son frère ainé, le Magellan s'improvise dans une conquête folle : sonner résolument moderne tout en ne reniant pas ses racines passées. Peu y parviennent. L'album n'est pas évident, il est rêche parfois, souvent gênant, mais le tout est d'une cohérence ! Le penchant 2012 de Stilness is the Move est sans conteste le tube imparable Gun Has no Trigger, subjugante épopée pop d'une évidence très énervante. Le titre monte en puissance, les coeurs féminins frôlent la perfection de grâce, et la voix de Dave Longstreth est à son apogée de maîtrise. Ce qui tue est simple : c'est cet équilibre parfait entre des sonorités bidouillées et complexes et ces lignes de guitares convoquant les plus grands. Uppercut.  Longstreth déclarait il y a peu se placer entre Thom Yorke et Beyoncé dans le jeu de l'oie musical. Pessimiste sur le chaos subi par l'industrie, s'est-il jamais dit qu'il y remédiait ? Car Dirty Projectors est une formation périlleuse : bon nombre d'anciens membres s'y sont cassé les dents. Quelle plus belle victoire qu'une expédition difficile et magicienne ? Swing Lo Magellan est un chef d’œuvre absolu. Son génie tient à cette capacité de redonner sens au terme "chanson", tout en n'en respectant pas les règles. Maestria. 

#2 Grizzly Bear 
 Shields



Simply. Perfect. L'album d'une vie. 
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