Girls raconte le quotidien de quatre adulescentes vivant dans le quartier de Brooklyn à New York. Le synopsis tient sur un post-it. Entre butinements amoureux, soif d'indépendance et désillusions professionnelles, Hannah, Marnie, Jessa et Shoshanna tentent de trouver leur place dans un environnement fait de petits tracas et de grandes désillusions. Sur un ton résolument girly-trashy, la saison 1 a su convaincre par sa justesse et sa fraîcheur. Mais la deuxième saison, dont HBO a diffusé le dernier épisode le 17 mars dernier, a laissé place au doute. Co-produite par Lena Dunham et Judd Apatow, la série est devenue sinistre et parfois consternante. Stop ? Encore ? On sait pas trop ? (attention SPOILERS).
Coup de théâtre : quelques semaines seulement après la fin de la saison 2, on apprenait que le Christopher Abbott, alias Charlie aka la caution sexy boy de Girls, claquait la porte de la série. L'information a été rapportée par le New York Post. Rien à voir avec un cachet pas assez juteux ou des projets plus intéressants ailleurs, mais un gros différend avec Lena Dunham quant à la tournure prise par la série. On comprend alors mieux pourquoi la réalisatrice et HBO se sont bien gardés de communiquer sur la nouvelle. En revanche, la chaîne n'a pas tarder à se féliciter de l'arrivée de Richard E. Grant (acteur dans Doctor Who) au casting du show dans la prochaine saison. Okay. Au-delà du plan com assez foireux, c'est bel et bien la raison invoquée par Abbott qui a marqué les fans. Il est assez rare qu'un protagoniste décide de claquer la porte d'une série pour des raisons de fond. D'autant plus que Charlie prenait une place prépondérante dans l'intrigue au cours de la saison : directeur de l'entreprise Forbid qu'il a lui-même créée, rabibochage avec Marnie en fin de saison et surtout cote de popularité en nette ascension.
Il sera curieux de suivre la façon dont Dunham va gérer ce nouveau plot. Car après une remarquable saison 1, la petite chérie de la télé US s'est emmêlée les pinceaux avec une saison 2 qui semble avoir été écrite avec une écharde non pas sur la fesse droite d'Hannah mais dans sa tête.
Un script qui tiendrait en un tweet
Il faut avoir un sacré cran pour oser affirmer, dès le pilote de la série, que l'ambition est ni plus ni moins d'être "la voix de sa génération, ou du moins une voix d'une génération". C'est Hannah qui, lancée dans la rédaction d'un livre, l'annonce à ses parents. Ce credo permet surtout à Lena Dunham d'expliquer la genèse de sa série. Pourquoi pas. Après tout, ce qui plaît autant dans Girls, n'est-ce pas ce portrait sans concession d'une jeunesse complètement paumée ? On a cru que Dunham en était capable. Finalement, elle n'a pas les moyens de son ambition. Hannah a beau répéter à longueur d'épisodes qu'elle écrit un livre et que c'est important et que c'est une vraie artiste, les scènes où on la voit réellement plongée dans son projet se compte sur un seul doigt. Constamment rappelée à l'ordre par son éditeur pour un e-book qu'elle est censée rendre au plus tôt, miss Hannah Horvath pleurniche et s'y mettra dès qu'elle aura ingurgité tous les pots de fromage blanc de son frigo, c'est promis. Il est d'ailleurs assez regrettable de voir ainsi l'écriture d'un premier roman utilisée comme simple astuce scénaristique par Dunham, un trip égocentrique et narcissique. Cette obsession pour son bouquin ne sert que d'alibi afin de justifier son don, son âme d'artiste. Et mendier tranquillou 1 100 dollars par mois à ses parents pour vivre décemment à Brooklyn sans se bouger le cul. Dans l'épisode 2x06, Jessa se charge de la faire redescendre sur terre. Gentiment : "Hannah, que tu écrives ou non ce livre ne va rien changer. Ce livre n'a aucune importance. Ca ne changera rien ni pour les gens qui le liront ni pour toi." Le tout en tenant une balayette dans les mains. Dans ta gueule, Hannah Horvath.
Et pour cause. Lena Dunham semble avoir passé autant de temps sur le scénario de cette saison que Hannah sur son manuscrit. Perdant presque autant en réalisme que l'invraisemblable saison 2 de Homeland, Girls a pris les contours d'un roman dont les pages s'écriraient au fil de la lecture. Pourquoi terminer la saison une par le mariage inattendu de Jessa et Thomas John si, quatre épisodes plus tard, ce dernier disparaît complètement du show suite à une violente dispute entre les deux tourtereaux ? Certes, la scène est brillamment interprétée par Jemima Kirke et Chris O'Dowd et apporte une tension bienvenue. Il n'en demeure qu'elle sacrifie un personnage clé et intéressant de la série. Tout comme Elijah (Andrew Rannells), dont on perd la trace dès le 2x04. Ou Jessa qui, fidèle à son esprit imprévisible et cavalier, laisse Hannah en plan dans le village paumé de ses parents. Ces personnages réapparaîtront peut-être dans la saison 3. Peut-être qu'on s'en fiche pas mal aussi. Ce qui subsiste, c'est cette impression d'improvisation totale que laisse Dunham entre chaque épisode. Indigne d'une série HBO, connue et reconnue pour la qualité narrative de ses productions (The Wire, Six Feet Under, Les Soprano...). Résultat : une saison 2 non seulement très mal écrite, mais surtout trop, beaucoup trop décousue pour être inoubliable. Tout coule, rien ne marque. Et tout part en vrille.
"Outside the comfort zone, where the magic happens"
Il faut quand même rendre à Lena Dunham ce qui lui appartient : un goût du risque et une approche transgressive trop rares dans les shows TV. L'effet est à double-tranchant, à l'image de "One Man's Trash", l'épisode le plus troublant de la saison. Hannah fait la rencontre d'un homme qui a quasiment le double de son âge et lui a tapé dans l'oeil - un de plus. Jouant un temps l'innocente, elle reconnaît finalement avoir volontairement jeté les déchets du Cafe Grumpy (elle y travaille) (quand ça lui chante) dans les contenairs de ce médecin pour attirer son attention. S'ensuit alors un huit-clos inattendu entre Hannah et Joshua dans l'appartement de ce dernier. Fascination d'Hannah pour ce bienveillant monsieur, léger malaise face à la cocasserie de la situation... L'atmosphère se fait pesante et laisse présager un événement dramatique. Mais non, dans Girls, tout se finit par une bonne partie de jambes en l'air et ce 2x05 ne sera qu'une occasion de plus pour Hannah de se taper un beau mec et rentrer chez elle au petit matin, seule et franchement pathétique. Il est vrai qu'on a tous été tentés au moins une fois dans sa vie de suivre cet(te) inconnu(e) croisé au détour d'une rue ou d'une rame de métro, persuadé que ce coup de foudre instantané n'est pas hasardeux. Au final, on laisse l'opportunité filer et on suit l'itinéraire initialement tracé. Notre héroïne, elle, veut forcer son destin, s'extirper de la zone de confort. Au pire, si ça se termine mal, ça fera toujours de bons paragraphes pour son roman.
Malheureusement pour le spectateur et pour elle, la rencontre ne se termine ni bien, ni mal. Elle ne débouche absolument sur rien. Face à la bienveillance paternaliste de Joshua, Hannah est incapable de ressentir quoi que ce soit, si ce n'est un profond dégoût. Non pas pour avoir couché avec un parfait inconnu, tout juste sorti d'un mariage raté, mais dégoûtée d'elle-même. Dégoûtée de ne prêcher que pour un mode de vie anticonformiste et d'être émerveillée à l'idée d'avoir une grande maison, d'être aimée pour ce qu'elle est par un riche et beau mari. Hannah se lance alors dans un long monologue naïf mais authentique ("I just want to feel it all") où elle réalise enfin sa profonde solitude et vouloir "ce que les autres ont". Et puis ça tourne au fatalement pitoyable. Mention spéciale au couplet "Je suis peut-être trop sensible et intelligente pour ce monde" digne d'un parolier d'Hélène Ségara. Continuons : "Tu vas travailler demain ?", demande-t-elle sur le ton de l'outrance. Quoi, Joshua, tu ne vas pas passer le restant de tes jours avec Hannah et tout quitter pour vivre sur une île ? Pour quelqu'un qui voulait faire de Girls un anti-Sex and the city, c'est franchement merveilleux. Totalement incapable de se remettre en question, Hannah s'agglutine dans une maladroite et fausse introspection psychologisante bien infoutue d'aller de l'avant. Ne ratant jamais une occasion d'exhiber ses formes et ses tatouages (cf la scène où Hannah et Joshua jouent au ping-pong à moitié nus, avant de s'envoyer en l'air bien sûr), Lena Dunham se met bien moins à nu qu'elle ne veut le faire croire. Elle alimente plutôt un malaise abyssal d'impudeur et de gêne chez le spectateur. A ce stade, ça ne s'appelle plus de l'égocentrisme mais du négationnisme de l'altérité. La série n'en ressort pas grandie. C'est le prix à payer lorsqu'on s'appelle Lena Dunham et qu'on décide de faire porter la quasi-intégralité de l'intrigue de sa série sur son gros cul.
Du trash frivole au pathétisme sinistre
Mais il y a pire. Ou mieux, ça dépend. S'il y a un personnage auquel on foutrait bien quelques baffes, c'est bien Marnie, jouée par Allison Williams. Censée représenter la jeune fille belle et brillante mais qui manque un peu de chance - ce qu'elle est -, l'évolution du personnage en dit long sur les choix de la série. Marnie est l'archétype de ces filles réduites à des objets sexuels et qui s'en contentent bien. Là encore, pas question de porter un jugement moral. Mais sa relation avec le pseudo-artiste Booth Jonathan (Jorma Taccone) a de quoi interroger. Lorsqu'il l'oblige à fixer une poupée pendue en plein coït ou, pire encore, quand celui-ci la cloisonne comme un pantin pour tester sa nouvelle trouvaille artistique à base d'écrans projetant des images épileptiques, Marnie ne bronche pas. "You're so fucking talented !", lui dit-elle. Carrément. Le même Booth Jonathan qui lui avoue sans sourciller qu'il la considère comme son faire-valoir, tandis qu'elle voyait en lui bien plus qu'un amant. Elle pense être faite pour une carrière dans la chanson sauf que sa reprise de Kanye West en pleine fête dans les bureaux de Forbid vire à l'humiliation en règle.
Bien sûr, tout cela demeure assez cocasse. Face à ces Girls incapables de discernement, ne trouvant de véritable satisfaction qu'à travers le sexe - Hannah et Marnie cumulent à elles deux pas moins de huit partenaires sexuels différents -, on se demande quand même quelle image de la femme cherche à véhiculer la réalisatrice. Si un homme était aux manettes de Girls, les "génie" servis à toutes les sauces pour qualifier Dunham dans la presse seraient remplacés par "sexiste". Quand Adam sodomise sa nouvelle copine comme un tronc alors qu'elle désapprouve totalement, ça peut sembler choquant. Quand Natalia apparaît dans l'épisode suivant toujours avec Adam, ça devient carrément sinistre.
Shoshanna, l'ultime star
Mais voilà que tout ce qui vient d'être avancé jusqu'ici pourrait être réduit à néant par la seule et unique Zosia Mamet (la copine lesbienne de Peggy dans Mad Men, c'est elle). De la vierge crédule et coincée qu'elle était, Shoshanna est devenue une femme plus complexe et mature que toutes ses copines réunies. Véritable révélation de la série - les créateurs de Girls avaient initialement envisagé de la cantonner à un rôle secondaire - la pétillante brune apparaît, malgré son côté déjanté, comme le personnage le plus stable. Et le plus abouti. Débitant ses palabres à une vitesse folle, Shosh incarne à la perfection cette fille difficile à cerner mais ô combien attachante, un peu agoraphobe sur les bords ("Everyone's a dumb whore"). En une seule expression faciale, elle rend la scène de chant où Marnie creuse sa propre tombe, hilarante. Le New York Times lui a même consacré un élogieux portrait où l'actrice admet que le rôle qu'elle interprète est aux antipodes de la jeune femme qu'elle est au quotidien. Et si sa relation amoureuse avec Ray (Alex Karpovsky) reste tumultueuse, elle met en scène une Shoshanna imprévisible, en pleine éclosion. Avec beaucoup de justesse, elle n'hésite pas par exemple à lancer à son compagnon qu'il lui fait autant de peine qu'un "singe enfermé dans sa cage". Qui n'a jamais ressenti de la pitié pour quelqu'un qui l'aime ?
la saison 1 était vraiment fraîche, drôle et j'adorais les dialogues; ça a commencé à se gâter à partir de la saison 2 mais là la saison 3 est catastrophique!.
RépondreSupprimerSur le fond, c'était une très bonne idée de série mais malheureusement ça n'a pas aboutit, on a l'impression que lena dunham est dépassée et ne sait plus quoi raconter mais surtout comment. C'est une série "faible" pour HBO
Les personnages secondaires perdent en profondeur, ça tournent en rond.
Mais je guette quand même les nouveaux épisodes, on ne sait jamais
Great read
RépondreSupprimer