jeudi 30 août 2012

Rock en Seine : le best of shows (2)




Un environnement généreux, une flopée d'artistes -environ 70 artistes ou groupes - et 110 000 spectateurs en trois jours : Rock en Seine frôle parfois avec la démesure. Bien qu'abordable et facilement accessible en comparaison à certains de ces acolytes européens (coucou Reading !), le festival tire sa force de sa programmation, à la fois mainstream, exploratrice et plus exiguë. Voici les dix (parmi les 24 auxquels j'ai - parfois partiellement - assisté) concerts les plus marquants de cette dixième édition du rendez-vous estival parisien (#5 -> #1)

 
 #5 - dEUS (Belgique)  
La présence du collectif d'Anvers dans la liste des meilleurs concerts de Rock en Seine relève du don du ciel. Toujours considéré comme un groupe tenace mais fluctuant, dEUS a connu le meilleur (le merveilleux album The Ideal Crash, 1999) comme le moins convaincant (les productions récentes). Mais sur scène, il évite le crash idéal en proposant un instant énergique et ciblé. En livrant un set de leurs plus chouettes titres et en paraissant renforcés, vraiment sereins, Tom Barman (membre historique du groupe, depuis 1991) et les siens ont fait valoir leur folle classe et leur sens aiguisé du rock à guitares mélodieux. Concert court mais ô combien efficace, avec comme point d'orgue leur fantastique titre Bad Timing, le groupe apparaît plus sûr de lui, plus confiant que jamais. dEUS n'a peut-être pas écrit sa dernière note. Une énorme claque et un plaisir sismiques, tout simplement. 

 #4 - Black Keys (USA)
Allons droit au but : bien avant le début du festival, le show du duo était TRÈS attendu, voire trop anticipé. Après un passage au Zénith de Paris en début d'année, la paire devait remporter la palme du plus grand concert de Rock en Seine ; cela semblait joué. Sauf que le rock n'aime pas trop se faire dicter ses lettres de noblesse. Ne nous méprenons pas : les Black Keys ont livré une performance de très haute volée. Vraiment. Alignant les tubes, passant avec une aisance monstre du rock de garage au blues délicat, l'heure passée à leurs côtés sur la Grande scène valait son pesant de beurre de cacahuètes. Les titres s'enchaînent à un rythme effréné, Dan Auerbach (guitare, voix) et le batteur Patrick Carney se livrent à fond, le public suit la danse, sans grande difficulté. Ils ont pour eux l'acclamé El Camino (2011), mais bien vite l'on prend conscience que les plus fouillés, les plus ténébreux et les plus rêches sont les morceaux issus de leurs précédents albums. On a tendance à oublier que le duo a fait du chemin avec sept LP en neuf ans de carrière ! Bien sûr que Lonely Boy ou l'exceptionnelle Little Black Submarines font mouche, mais à force de vouloir imposer le tempo, les Black Keys réduisent frénétiquement la durée de leurs titres en live, à tel point que certains dépassent douloureusement les 120 secondes. Résultat : un horrible faux rythme, une folie qui tombe à plat entre chaque chanson : un gênant silence s'abat à chaque fois entre la fin d'un titre et le début d'un autre. En réalité, le groupe abuse d'une mécanique trop bien huilée et oublie de prendre des risques, de surprendre, même si la variété de la setlist (pas El Camino centrée) est salutaire. Au final, le concert s'oublie aussi vite qu'il se termine (une heure dix seulement, très décevant de la part d'une tête d'affiche, là où les sirupeux Green Day disposaient de deux heures de show). Regrettable. Mais la dureté du jugement d'un excellent concert (malgré tout) corrobore l'immense talent d'un groupe passionnant et habité. 


#3 Beach House (USA)
La cinquième sera la bonne. Après 4 concerts de la paire de Baltimore auxquels j'ai assisté par le passé, celui-ci aura raison de moi. Une seule raison à cela : Bloom, leur fantastique album sorti il y a trois mois, dont les titres resplendissent sur scène, auprès des autres, qui brûlaient déjà le cœur. Les quatre albums de Beach House forment un carré d'as imparable qui ne compte quasiment pas de titres faibles. Sur scène, le son nappé, les poses de Victoria Legrand, les envolées chahutées d'Alex Scally... Tout y est. Par rapport à leurs autres prestations, le cadre adéquat (en extérieur et en hauteur, le son pulvérise le soleil couchant) sied bien aux effluves amoureuses qui font palpiter nos sourires et nos cœurs. Le son se fait puissant, parfois agressif, et l'allure des trois compères (Daniel Franz s'ajoute à la batterie) sur scène confinent à la classe absolue. Les albums Teen Dream et Bloom se partagent les titres joués lors de cette heure hors du temps. Alors que le groupe répète à qui veut l'entendre que les deux productions sont diamétralement différentes, mises côté-à-côte, ça le fait grave ! La fin du set vire à la magnificence lunaire, avec la cosmique Wishes, Myth la nostalgique, l'éthérée 10 Mile Stereo et l'uppercutante Irene. A de rares occasions, Legrand pousse un peu fort sur la voix et la batterie se montre trop envahissante. Mais l'alchimie est inaltérable. Car c'est bien de chimie dont ils s'agit : les éléments fusionnent et réagissent pour se transformer et créer un concert à la beauté noire. Victoria, fume tant que tu voudras, ta voix est de plus en plus belle, et ta crinière tellement romanesque. Sans trop d'éclat, le jeu de lumières s'inscrit en harmonie avec le concert, avant d'extérioriser ses sombres appâts sur le final d'Irene. Voilà, grand concert. Marquant même, puisque le meilleur titre du groupe tout albums confondus est également fracassant sur scène. Tel un papillon nocturne éclairant la constellation de l'indie, Lazuli se pose là, tout bas, au sublime fracas. 



#2 Sigur Rós (Islande)
Les inénarrables Islandais n'ont pas simplement fait tourbillonner leur monde, non. Ils ont surpris le monde. En grand fan que je suis, je m'attendais naïvement à un concert vérécondieux, où leur plus récente création, Valtari, aurait la part belle. Il n'en fut rien.
Sigur Rós a privilégié la démonstration de force, le spectacle transi et émotionnellement grandiose. Un seul titre issu de leur dernier-né fut joué et pas des moindres : le chef d’œuvre Varúð. Rien que ce titre aurait suffi à qualifier leur prestation de géniale. Mais Jónsi et les siens ont décidé de frapper un grand coup, en livrant quasiment tous leurs meilleurs titres en live.
I Gaer, Saeglopur, Festival, Hoppipolla, Hafsol... Excusez du peu. Festival oblige, seuls huit titres furent joués. Mais on préfèrera ce concert condensé et galaxique à mille sets de trois heures sans flamme ni esprit. Sigur Rós a eu la très bonne idée de se parer d'un petit orchestre de cuivres, ce qui donne à leurs compositions de verre une substance de fer. Et que dire de la désormais classique mais toujours aussi "claque-dans-ta-facesque" Popplagið ? Rien. Se taire et s'en prendre plein la vue, plein la face, plein face. Les Islandais ont offert un vrai pied de nez à tous ceux qui les croyaient encore mous, ennuyeux, larmoyants et chiants. Concert best of d'une magnitude indétectable, les petits elfes d'Islande auraient livré la performance la plus puissante de ce Rock en Seine 2012. Sauf que quelques ours barbus issus de nulle part ne l'ont pas entendu de cette oreille...

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