Un
trésor caché depuis plusieurs années offre à ses archéologues musicaux
une sensation de plénitude, une fois la pierre sous laquelle il se
trouvait, ôtée. Plénitude, c'est bien le sentiment qui prévaut
lorsque les Californiens reviennent pour limer leurs outils sur
la scène de l'Industrie. Quoique la scène de la Cascade leur serait
bien allée, aussi, tant le spectacle offert par nos porteurs de chemises
à carreaux préférés ont élevé en nous un monument de sentiments en
cascade. Il est fort difficile de parler de ce qui nous touche, alors
pour ce qui est de ce qui nous met à terre... Les mots sont superflus.
L'attente fut longue. Six ans après leur séparation, la tournée de
reformation de Grandaddy touche au culte et à l'inespéré. "Notre Daddy,
qui êtes aux cieux..." Le concert ne tient pas de l'événement, il vire en
trois minutes pliées à l'historique. Sans concession, son brouillard
plus que brouillon, instrumentations féroces souvent parfaites, Jason
Lytle et sa troupe sont au sommet de leur art. Il n'y a pas que les fans
qui sont là : les vedettes adolescentes qui squattent les premiers
rangs de la fosse sont venues pour Foster The People, qui se produira
sur la scène deux heures plus tard ! Le contraste est saisissant : ces
jeunes gens paraissent comme perdus au départ, mais certaines d'entre
elles finissent par admettre l'évidence : Grandaddy s'adresse à tout le
monde, à tous ceux pour qui la musique n'est pas qu'une question de
passe-temps mais bel et bien une question de vie ou de
mort. La musique est indispensable à la vie et rend la mort inévitable
et moins cruelle. Now It's On, hymne
fulgurant, terrasse la folle foule, archi-compacte et dense.
C'est pourtant
simple : les plus belles merveilles de Grandaddy sont ici érigées et
portées aux nues. Tubes super calibre. Tubes tuent tout. On pourrait à
l'envi décrire chirurgicalement chacun des 14 titres interprétés mais ce
serait passer à côté de l'essentiel. Le meilleur moment du show fut
celui qui marqua la fin de celui-ci. Car une fois le silence revenu, les
chansons des Californiens résonnent encore très fort dans nos têtes. Le
sourire béat ne nous lâchera pas, et l'envie de les revoir non plus.
Cela s'appelle la grâce. Puisque l'architecture est ce qui reste de l'édifice, une fois
la pierre ôtée, disait Plotin... Grandaddy a enlevé lui-même le rocher sous lequel il
se cachait depuis tant d'années. Il en a fait une formidable comète qui
s'envole très loin, partant à la découverte d'une constellation, d'une
nouvelle planète, d'une autre forme de vie. Armstrong a marché sur la
Lune, mais Jason Lytle a fait un little pas de plus : il a eu le courage de revenir au lieu de nous laisser orphelins. He's simple, he's dumb, he's the pilot :
la messe est dite, le titre tire les larmes et les funérailles pilotées
par Grandaddy sont une communion de vie et d'amour pour tout ce qui a
trait à ce monde cruel, mais quel beau monde quand même. Ce monde qui est
nôtre.
He's simple he's dumb he's the pilot, un des meilleurs morceaux de tous les temps !
RépondreSupprimerGreat blog I enjoyyed reading
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